Ces maires en première ligne pour défendre les hôpitaux
L’État décide de la politique hospitalière. Les directeurs gèrent les établissements.
Activisme, lobbying, recours juridiques, et parfois même grève de la faim… Les maires s’efforcent malgré toutes les difficultés de préserver l’accès aux soins des populations.
Les hôpitaux craquent. Depuis l’été 2021, nombre de services d’urgences ont dû, temporairement, fermer la nuit faute de personnel — à Fougères, Redon, Vitré (Ille-et-Vilaine), à Lisieux et Bayeux (Calvados), à Guebwiller (Haut-Rhin), Montaigu-Vendée (Vendée), Saint-Chamond (Loire), Laval (Mayenne), au centre hospitalier Sarthe-et-Loir, à La Flèche (Sarthe), à Draguignan (Var), au Centre hospitalier Alençon-Mamers à Mamers (Sarthe), à Givors (Rhône), à Moissac (Tarn-et-Garonne), Voiron (Isère), Bastia (Corse), Ambert (Puy-de-Dôme), à Briey (Meurthe-et-Moselle), à Decize, Cosne et Clamecy (Nièvre)…
À Compiègne (Oise), en novembre, le bloc opératoire fonctionnait en service réduit par manque d’infirmiers spécialisés. À Pontivy (Morbihan) au centre hospitalier du Centre Bretagne, plusieurs services sont menacés faute d’effectifs médicaux et paramédicaux. À Châtellerault (Vienne), c’est le service cardiologie qui fermait mi-novembre pour une durée indéterminée en raison d’une pénurie de cardiologues : il faudra aller à Poitiers.
19% des lits de l’AP-HP fermés
À Autun (Saône-et-Loire), un tiers des lits ont fermé en médecine par manque de praticiens. Tour de France non exhaustif…
Paris n’est pas épargné. En septembre, la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) reconnaissait que 19 % des lits étaient fermés au sein de ses 39 établissements, essentiellement par manque de personnel.
L’épidémie de Covid, si elle a sans doute précipité le désastre, est loin d’en être la cause. Le ver était dans le fruit, introduit par les choix politiques faits depuis des décennies.
Manque de moyens et de bras
Le manque de moyens alloués aux hôpitaux — via notamment la tarification à l’activité (T2A) — et les restructurations à marche forcée ont dégradé les conditions de travail et fait fuir médecins et personnels soignants.
Les numerus clausus dans les études de santé ont ajouté aux tensions. Leur léger desserrement à la rentrée 2021, tout comme le Ségur de la santé (revalorisations salariales, promesses de recrutements et d’investissements…) en juin 2020, sont loin d’avoir réglé les problèmes.
Les maires concernés
Face à ces situations, les élus locaux ne peuvent bien sûr rester de marbre. Les hôpitaux jouent en effet un rôle essentiel pour garantir l’accès aux soins de la population d’un territoire.
Ils sont aussi souvent l’un des premiers employeurs de la ville et contribuent à son attractivité. Enfin, quand quelque chose va mal, c’est spontanément vers le maire que se tournent les habitants.
Reste qu’au fil des ans, les édiles ont perdu tout pouvoir sur la gestion des établissements hospitaliers.
On ne ferme plus d’hôpitaux, on transforme, on adapte, on réorganise… Résultat, des services entiers partent dans des villes plus grandes, souvent à une heure de route.
Des établissements nationaux et non plus locaux
Historiquement proches des territoires et de leurs élus, les hôpitaux publics sont passés progressivement, depuis les années 1970, sous la coupe de l’État. Avec pour double objectif de « restructurer » l’offre — soit regrouper les établissements, supprimer les plus petits, fermer des lits et des services… —, et de limiter les dépenses de santé en gérant les hôpitaux comme des entreprises.
Or les maires étaient considérés comme des freins à cette évolution. De réforme en réforme, le pouvoir de l’administration centrale relayé par celui de l’administration déconcentrée (création des Agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, en 1996) s’est affirmé de plus en plus.
La loi de 2009 (dite loi Hôpital, patients, santé et territoires) a parachevé le processus. Les établissements publics de santé sont des établissements nationaux et non plus locaux.
Le pouvoir des directeurs d’hôpitaux, qui président le directoire de chaque établissement, est renforcé, tout en étant largement cadré, puisque le directeur est nommé par le ministre de la Santé et soumis aux consignes des Agences régionales de santé (qui remplacent les ARH et sont chargées de la mise en œuvre de l’ensemble de la politique de santé dans leur région).