DOSSIER

Atteindre le ZAN sans zizanie

L’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) répond à l’urgence de s'atteler à la restauration de la biodiversité. Inscrit dans la loi Climat et résilience de 2021, le ZAN est vécu comme une mesure descendante, complexe à mettre en œuvre dans les territoires. Les maires souhaitent un changement de méthode, une adaptation et du soutien pour concilier préservation des ressources et développement local.
La rédaction
Marie-Pierre VIEU MARTIN
Publié le 18 novembre 2024

Le dossier devrait rapidement atterrir sur le bureau de la ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher. D’autant que, dès son entrée en fonction, le Premier ministre a plaidé pour un assouplissement de la réglementation ZAN des sols, qu’il s’agit de « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée ». Un assouplissement qui pourrait signifier in fine sa mise en sommeil ?

La France a bétonné autant de terres ces cinquante dernières années que durant les cinq siècles précédents

L’objectif de la loi de 2021 est d’en finir avec l’artificialisation à l’horizon 2050, avec une première étape de réduction par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030. Sa concrétisation rencontre bien des résistances. Dernièrement, c’est Bercy qui faisait également entendre sa voix sur le sujet et qui voyait dans la mesure, un frein à la réindustrialisation des territoires. Que va advenir le ZAN ?

Stopper l’étalement urbain

Il y a seulement quelques mois, Christophe Béchu matraquait cet argument imparable face aux détracteurs du ZAN : la France a bétonné autant de terres ces cinquante dernières années que durant les cinq siècles précédents. Le GIEC, dans son rapport de 2023, enfonce le clou : si la progression des terres artificialisées se poursuit au rythme actuel, et cela jusqu’en 2030, elle aura augmenté de 280 000 hectares, soit l’équivalent de la superficie du Luxembourg.

Cette perte annuelle de 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers, cumulée au phénomène d’urbanisation qui renforce l’étalement urbain et la surconsommation, met de nombreux territoires en danger avec des conséquences potentiellement graves pour l’environnement et les hommes.

Parmi les menaces : les phénomènes de ruissellement et une multiplication des inondations, l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre et de polluants dans l’air imputables aux transports. Cela affecte également les équilibres spatiaux, voire sociaux, avec une désertification des centres-villes au profit du périurbain.

La réglementation ZAN, dans ses principes, n’implique pas l’arrêt total de toute artificialisation, mais elle suspend l’artificialisation de nouveaux espaces à une renaturation à proportion égale – d’espaces artificialisés. Autrement dit, un donnant-donnant où ce qui sera « pris » sur la nature devra être « rendu ».

Objectif zéro artificialisation nette en 2050

Difficultés d’adaptation

Mais la feuille de route s’avère contraignante, d’abord dans la mise en cohérence administrative. Ainsi, l’articulation entre la maîtrise de l’artificialisation et la conservation de la biodiversité conduit à renforcer les règles de délivrance des permis d’urbanisme commercial. En août 2022, c’est au tour d’une circulaire du ministère de la Transition écologique et de la Cohérence des territoires, qui conditionne la démarche du ZAN à la mise en conformité des documents de planification et d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, cartes communales…).

Au fils des mois, la difficulté d’adapter le dispositif à la réalité et au rythme de développement des territoires conduit à la promulgation de la loi du 20 juillet 2023 qui vient allonger les délais pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents d’urbanisme.

Elle est suivie en novembre de trois décrets d’application de la loi Climat et résilience portant sur la notion de surface artificialisée, ajustant les objectifs de mise en œuvre de la sobriété foncière, puis définissant la composition et les modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols.

Malaise persistant des élus locaux

Malgré ces ajustements, le dispositif continue à apparaître complexe et visant une uniformisation nationale garantie, souvent vécue comme incompatible avec la vie locale. « Le législateur a créé une usine à gaz centralisée et verticale qui ne satisfait personne. C’est en responsabilité que l’AMF poursuit son travail de propositions pour améliorer les choses », expliquait David Lisnard, président de l’AMF, en 2023.

Depuis la loi de 2021, l’association d’élus juge que le dispositif est sous-tendu par « un nouveau modèle économique, financier et fiscal puissant et incitatif, sur le long terme » qui aurait mérité qu’en amont on prévienne certaines conséquences, telles les spéculation et rétention foncières, le blocage des projets, l’absence de vision stratégique sur les futurs modèles économiques de la construction…

Un donnant-donnant où ce qui sera « pris » sur la nature devra être « rendu »

Devant le malaise persistant des élus, l’AMF a mené début 2024 une enquête auprès des élus de proximité pour mieux appréhender la nature des difficultés rencontrées. Celle-ci se conclut par la demande d’un temps de pause « pour redéfinir certaines modalités opératoires » et remettre à plat le calendrier. À commencer par l’échéance du 22 novembre 2024 qui devait conclure l’intégration de l’objectif ZAN dans les schémas régionaux d’aménagement. Elle pose également la question de la pertinence de l’échéance 2031 pour l’intégration du ZAN dans les documents d’urbanisme.

Il est certain que l’appel du Premier ministre, à « faire évoluer le ZAN de manière pragmatique et différentiée », répond pour partie à la demande des élus. Tout le débat à venir réside dans l’appréciation du pragmatique et du différencié ? « Entre béton et bitume / Pour pousser, je me débats / Mais mes branches volent bas », chantait Maxime Le Forestier, il y a déjà… cinquante ans.


Artificialisation

L’artificialisation est désormais définie dans le code de l’urbanisme comme étant « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » (article 192 de la loi Climat et résilience)

50 % des communes ont vu leur surface artificialisée augmenter entre 1990 et 2018.

Friches

On dénombre 2 400 friches industrielles couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire national.

Le foncier non agricole (établissements, entreprises des zones commerciales, entrepôts) couvre 30 % des surfaces artificialisées.

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