INNOVATION

Quand l’échiquier se fait école de la démocratie

Accompagnés par un Grand maître international des échecs, des maires affrontent les élèves des écoles primaires de leur ville dans des parties dites majoritaires. Le principe, inciter les enfants à se concerter avant de jouer un coup et contribuer ainsi à l’éducation à la citoyenneté et à la démocratie.
La rédaction
Pierre MAGNETTO
Publié le 18 novembre 2024

Tout a commencé en novembre 2012 dans les studios de Radio Nova pour la nuit des échecs. Ce soir-là, Bachar Kouatly dispute en direct une partie d’échecs majoritaire contre des auditeurs. Dans ce type de partie, un seul joueur affronte un collectif de joueurs. Après chaque coup du joueur solitaire, ses adversaires prennent le temps de réfléchir ensemble, de se concerter avant de jouer leur coup décidé à la majorité du groupe. Ce soir-là, les auditeurs n’affrontaient pas n’importe qui. Bachar Kouatly est Grand maître international des échecs, titre attribué à vie par la Fédération internationale aux meilleurs échéquistes du monde, notre homme aura été le premier Français à le recevoir en 1989.

Dans l’assistance des studios de la radio, David Ros n’aura pas perdu une miette du spectacle. Féru d’échecs, il a été élu quatre ans plus tôt maire d’Orsay, ville de 16 000 habitants dans l’Essonne. Le champion et le maire vont prendre langue et monter un projet inédit à l’époque : organiser des parties majoritaires opposant l’élu aux élèves des cours moyens de sa commune. Le projet obtiendra l’aval de l’inspection d’académie et celui des enseignants, les parties se déroulant sur le temps scolaire. Une fois par semaine, le maire joue un coup, la semaine suivante chaque classe joue le sien et le maire rejoue en attendant la semaine d’après. « La première année, seulement 3 classes s’étaient portées volontaires, l’an dernier il y en avait plus de 20, une cohorte de près de 600 élèves », témoigne-t-il.

Apprentissage de la démocratie

Cette organisation est rendue possible grâce à l’intervention d’Europe Échecs, outil d’information et de formation aux échecs dirigé par Bachar Kouatly. Dans les classes, les élèves bénéficient de 6 à 7 séances d’apprentissage du jeu, après quoi la partie peut commencer, à distance le plus souvent, grâce au prêt de tablettes. À raison d’un coup hebdomadaire, la partie se prolonge jusqu’à la fin de l’année scolaire avec en apothéose durant la fête de l’école, la présence du maire qui vient jouer les derniers coups. « Faire jouer le maire est un parti pris, ça permet de motiver les enfants qui veulent gagner la partie, les gamins adorent battre les adultes », commente le Grand maître. Mais pour lui, le véritable enjeu est ailleurs : « On n’est pas là pour faire une partie d’échecs, mais pour faire de l’éducation, apprendre ce qu’est la démocratie à travers la prise de décision collective ».

Lui-même enseignant, David Ros avait bien perçu cette dimension. « Les enfants abordent la notion de démocratie participative dans la classe, ils construisent un peu leur citoyenneté et même si ce n’est pas leur coup qui est joué c’est celui de leur classe. Et puis le maire va rejouer, donc ils pourront revoter, de nouveau échanger, argumenter et puis respecter encore une fois la décision majoritaire ».

Prendre confiance en soi

Denis Öztorun, le maire de Bonneuil-sur-Marne (18 000 habitants dans le Val-de-Marne), va se lancer dans l’aventure dès ce mois de novembre. Enfant d’une ville qui compte plus de 60 % de logements sociaux, il sait ce qu’il doit au jeu. « Les échecs m’ont beaucoup aidé à avancer quand j’étais jeune. C’est un sport complet qui oblige à avoir une certaine discipline, une certaine concentration, ça permet aux jeunes d’évoluer assez bien en complément des cours qu’ils suivent en classe. » Pour cette première saison, le maire jouera 14 parties, de préférence en présentiel, en prenant le temps avec les élèves. « Pour eux, le maire est un personnage important. Leur offrir un lien privilégié est une marque de respect que je dois avoir à leur égard, qui peut les aider à continuer, à grandir, à se dire qu’eux aussi sont importants, car il n’y a rien de pire dans la vie que de se sentir méprisé alors qu’ils ont besoin de confiance en soi et de respect. »

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