Par Bruno LAFOSSE
POLICE ET POPULATION : RELATIONS SOUS HAUTE TENSION
Tout part quand même de là : la mort le 27 juin du jeune Nahel, abattu lors d’un contrôle policier à Nanterre. Les circonstances conduisent à la mise en examen du policier auteur du tir mortel. Cet homicide et la version tronquée des forces de l’ordre, rapidement battue en brèche par des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, rappellent de trop nombreux faits comparables et témoignent d’un rapport problématique entre police et habitants des quartiers populaires. Au risque de saper la confiance nécessaire entre police et population.
En 2016, le Défenseur des droits soulignait déjà que « par rapport à l’ensemble de la population et toutes choses égales par ailleurs, les jeunes hommes en France, perçus comme arabes/maghrébins ou noirs, ont une probabilité vingt fois plus élevée d’être contrôlés que les autres1 ». De son côté, le collectif PoliCité, qui a mis en place une rechercheaction participative avec des jeunes et des chercheurs à Vaulx-en-Velin, constate : « aux discriminations s’ajoutent des micro-agressions du quotidien favorisées par le recours à des formes d’échange familières (tutoiement), des confrontations verbales ou des gestes provocateurs, auxquels répondent des manifestations d’agressivité ou des provocations juvéniles ».
« Les mauvaises pratiques policières, violence en tête, sont toxiques pour la nation », tranche Sébastien Roché, politiste et directeur de recherche au CNRS dans Le Monde du 2 juillet. « Ces expériences engendrent non seulement un rejet de la police, mais aussi une perte de confiance dans les élus et la loi, et un effondrement de la croyance dans la valeur des processus démocratiques2. »
Pour ne rien arranger, l’absence d’autorité indépendante de contrôle de la police et l’attitude ouvertement défiante de certains syndicats policiers — notamment vis-à-vis de la justice et parfois du gouvernement — aggravent le fossé entre population et police et fragilise la démocratie. Pour 100 maires signataires d’un appel de la Coopérative des élu.e.s communistes et républicain.e.s : « nous avons besoin d’un grand débat national pour permettre à la police de servir le peuple et lui en donner les moyens. Il faut changer les conditions de formation des agents et leur doctrine d’engagement3. »