« Ce qui rend intéressant un tel projet, c’est que les bénéficiaires ne sont pas passifs, ils prennent part et sont acteurs du projet artistique. Cela change tout », commente Christine Presne, conseillère culture du département de l’Aveyron qui suit depuis sa création Culture et lien social, un dispositif d’accompagnement des personnes éloignées de la culture doté de 80 000 €/an. À l’origine, les publics étaient les familles précaires, les personnes en insertion sociale, en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes victimes de violence et les enfants placés.
De 2016 à 2020, le département était pilote au niveau des intercommunalités, avec l’appui logistique et technique d’Aveyron Culture et de l’Université Bordeaux Montaigne. Des universitaires forment aujourd’hui les compagnies, plasticiens, musiciens, photographes et travailleurs sociaux pour les familiariser au dispositif. « Il a la particularité de rassembler autour d’un projet des personnes qui ne se rencontraient pas auparavant », résume Christine Presne. En 2021, Culture en partage (45 000 €/an), dédié aux détenus et aux résidents des Ehpad, est venu compléter le dispositif.
Changer le regard sur soi et sur les autres
« La difficulté, c’est le démarrage, rassembler et convaincre les acteurs sociaux, les élus, les artistes choisis. C’est là que tout se noue. Une fois en place, cela va tout seul. » L’élue cite l’exemple du projet Le Grand Matin, mené dans l’ancienne cité minière de Decazeville en 2016-2017. Sur la place publique, les artistes s’installaient avec une table et des chaises. Les gens venaient s’asseoir et décrivaient leur matinée, leur vision de la ville au matin. « Pour les personnes ayant perdu le lien avec la société, la matinée est souvent difficile, explique-t-elle. Là, ils venaient discuter, voyaient la vie autrement. Ça leur a permis de se resocialiser et, pour certains, de reprendre pied dans la vie professionnelle. »
Dans deux Ehpad du nord de l’Aveyron, des résidents atteints d’Alzheimer ont chanté et même joué au théâtre. Ailleurs, des familles monoparentales, où les ados ne communiquaient plus, ont été accompagnées avec un travail de photographie : les enfants prenaient leur mère en photo et inversement. « Ils créaient ensemble, leur regard a changé. » Et Christine Presne d’ajouter : « On a réussi à faire travailler des acteurs sociaux comme l’UDA, la Caf ou l’association Passerelle qui ne se parlaient pas. Travailler chacun dans son coin est une hérésie. »