Ce n’est pas parce qu’il y a des grenouilles après la pluie qu’il a plu des grenouilles…
Cette petite phrase qu’aime à lancer avec malice le physicien et philosophe des sciences, Etienne Klein, semble illustrer à merveille l’état d’esprit d’une partie de notre jeunesse face à la science. Selon un récent sondage de l’IFOP*, pour 16 % des 18/24 ans, affirmer que la Terre est ronde est un mensonge. Sans surprise, on trouve le gros des bataillons de ces sceptiques des temps modernes parmi les consommateurs les plus effrénés des réseaux sociaux. Espaces où circulent dans la confusion des propos qui relèvent du fait scientifique, assortis d’autres qui ne tiennent que de l’opinion.
Mais il serait trop facile de ne voir dans cette défiance que l’effet délétère des nouveaux moyens de communication. S’ils ne sont plus que 33 % parmi les jeunes à considérer que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal », (Ils étaient 55 % en 1972), c’est que la notion même de progrès, telle qu’entendue jusqu’à aujourd’hui : une marche continue de l’Humanité vers une vie meilleure, est passablement remise en cause par les dérèglements climatiques, la manipulation du génome ou les possibilités de destruction inouïes des armes nucléaires.
La croyance en la science diminue à mesure que l’avenir s’assombrit. Désormais, la concomitance des événements suffit à prouver un rapport de causalité entre les faits. Un décès par crise cardiaque après un vaccin contre la Covid est une preuve que ledit vaccin est mortel, même si ce dernier n’est pas censé nous protéger contre la crise cardiaque mais bien contre la Covid.
De peur d’apparaître naïf, dans une société qui porte aux nues la manipulation et le machiavélisme, le jeune préfère se montrer incrédule. Un doute sans valeur scientifique mais rempli d’affects et d’angoisse.
Mais jusqu’où le monde peut-il tenir dans l’effacement des croyances communes et des valeurs partagées ? C’est la question que nous devrons nous poser pour nous-mêmes, et davantage encore pour les générations futures. Construire une société, du village à la Nation, suppose d’avoir un minimum de traditions, de rites, de confiance et d’espérances en commun. Et peut-être admettre sans avoir à ouvrir de débats que ce n’est pas parce qu’il y a des grenouilles après la pluie qu’il a plu des grenouilles…