Tel un bulletin météorologique, 100 % descendant, le journal communal s’est longtemps résumé à la transmission très officielle d’informations émanant de l’autorité municipale. Sans aucune vocation pédagogique, ni dimension journalistique. Depuis le début des années 1980, les différentes vagues de décentralisation – des lois Defferre à la loi NOTRe – ont fait éclore une nouvelle presse locale, plus professionnelle, plus libre, moins formatée. Chaque année, le Prix de la presse et de l’information territoriales, porté par Cap’Com, explore et décrypte la vitalité de ce secteur, qui pèse près de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et emploie quelque 8 000 personnes.
Le lecteur au cœur du projet
En juin dernier, deux ans après les élections municipales de 2020, la 24e édition du Prix s’est révélée particulièrement foisonnante : « Nous avons reçu 170 candidatures pour 120 à 130 habituellement, indique Lucile Jarrot, chargée de communication à Cap’Com. Dans la foulée des nouveaux mandats, les équipes ont initié de nouvelles formules, avec pour ambition de sortir du cadre institutionnel classique. » Olivier Tartart, rédacteur en chef du magazine de la communauté urbaine de Dunkerque, lauréat 2021 du Grand Prix Cap’Com, témoigne : « Le maire de Dunkerque, qui est aussi président de l’agglomération, nous a demandé de tout remettre sur la table, la périodicité, la maquette, la ligne éditoriale et de réfléchir à un nouveau support. Nous n’avions qu’un mot d’ordre : faire de la pédagogie autour des enjeux du territoire, à travers une démarche à mi-chemin entre information et éducation populaire. » Alors que la précédente formule témoignait de ce que faisaient les services, la nouvelle met le lecteur au cœur du projet, avec pour objectif de lui montrer que les compétences de l’agglomération croisent ses préoccupations quotidiennes. « Il s’agit de donner une notoriété à l’agglomération et de créer du lien entre la collectivité et le territoire », indique Nadine Pélerin, vice-présidente chargée de la communication de l’agglomération Vannes-Golfe du Morbihan, dont le trimestriel 360 a remporté le Prix de la presse Cap’Com 2022. « Pour cela, nous faisons non seulement le choix de traiter des sujets qui concernent tout le monde et qui sont liés aux compétences de l’agglo, mais aussi de laisser une place significative aux habitants, à leurs initiatives et à leurs engagements. »
L’élu au second plan
Au lieu de donner la parole aux élus et aux services, la tendance actuelle est de faire témoigner représentants associatifs et citoyens, dans une dynamique d’échange et dans une recherche de proximité. La parole politique est-elle pour autant bannie des journaux territoriaux ? « Le journal avec le maire à toutes les pages existe toujours, mais beaucoup moins, constate Lucille Jarrot. La prise de parole des élus évolue notamment dans le traitement de l’édito. » Côté image, l’élu y apparaît davantage entouré et en mouvement, tandis que le texte devient également moins statique, avec des interviews « le bloc-notes du maire » à Saint-Denis ou encore, la maire de Nantes qui « répond aux questions des habitants ».
Intimement liés, le fond et la forme se réinventent en permanence, avec une place de plus en plus importante pour les images et l’infographie.
Intimement liés, le fond et la forme se réinventent en permanence, avec une place de plus en plus importante pour les images et l’infographie. « Nous étions auparavant corsetés dans une maquette où toutes les pages se ressemblaient, on a donc cherché à donner du rythme », atteste Olivier Tartart. Sans doute dictée par les réseaux sociaux, l’appétence pour un graphisme dynamique et coloré est générale, comme le recours à des cartographies et à des infographies, voire à des mises en page qui rendent le lecteur acteur, en l’obligeant même parfois à faire pivoter le magazine, comme celui de Villeurbanne qui traite sa double-page
« portrait » en mode paysage, contrairement au reste du journal. Enfin, toujours sur un mode réseaux sociaux, les formats des articles sont souvent revus à la baisse et la rédaction doit être simple : « Nous cherchons à être à la fois ambitieux dans la présentation des enjeux, et accessibles dans l’écriture, analyse Olivier Tartart. Quand c’est trop ardu, le président nous dit : “Là, vous allez perdre Paulette !” qui n’est autre que sa mère ! »
Print vs Web : complémentarité
Ces différents emprunts à la culture numérique, dont les usages ne cessent de progresser à l’échelle locale (51 % des Français consultent les pages officielles de leur collectivité sur les réseaux sociaux pour s’informer sur la vie locale), posent la question du rapport entre presse locale écrite et dématérialisée. « L’articulation print/web prend de nombreuses formes, en fonction notamment des moyens des collectivités, atteste Lucille Jarrot. C’est, en tout cas, une réflexion présente partout. » Parce que 74 % des Français souhaitent recevoir le magazine de leur collectivité dans leur boîte aux lettres, le papier perdure, mais sa périodicité est impactée par le développement des outils digitaux. La ville de Mulhouse s’est par exemple dotée d’une marque média « M+ », avec une version digitale pour l’actualité chaude et une version papier plus magazine. « Le site internet doit être la porte d’entrée pour toutes les informations pratiques, fait remarquer Nadine Pèlerin, mais il faut aussi créer des ponts entre les outils, réussir à articuler l’instantanéité des réseaux sociaux et le contenu du magazine, dont la vocation est de trouver sa place sur la table basse du salon pour une lecture au long cours. » Pour réussir ce pari, des moyens importants sont déployés par les grosses collectivités qui ont bien compris que la qualité de l’information qu’elles véhiculent contribue à nouer un lien de confiance avec leurs administrés. Un lien indispensable à la santé de la démocratie locale.