L’ascenseur vitré s’élève sous les hautes structures de la magnifique médiathèque centrale de Montpellier, imaginée par Paul Chemetov, et conduit les visiteurs à La Fabrique. Ce nouvel espace de médiation numérique offre un « accès généraliste et gratuit, accompagné et réfléchi au numérique » à qui le veut. Il accueille en réalité une majorité d’enfants, d’adolescents, d’étudiants, de parents et de retraités. « L’une des raisons d’être de la Fabrique est de développer l’inclusion numérique sur le territoire. L’aide au numérique est une facette de l’identité de la médiathèque, perçue comme un lieu d’accueil qui ne stigmatise pas le public », explique Jean-Marie Feurtet, responsable des services numériques des médiathèques de la métropole montpelliéraine. L’arrivant a accès à un ordinateur et à une connexion, et peut acheter son billet de train, remplir son dossier administratif ou créer son PowerPoint. S’il se trouve en difficulté, il « peut s’adresser à un conseiller numérique ou à un bibliothécaire (dispositif JUB “j’emprunte un bibliothécaire”) pour le fonctionnement de sa liseuse ou le montage de sa vidéo ». Une vidéo ? « La Fabrique met le numérique au service de la création, de l’art, de la musique et de la littérature », indique Mélody Séguier, chargée de la création et des cultures numériques.
Programmation et jeux
Elle offre donc une initiation aux logiciels libres et non libres, des ateliers, l’apprentissage de robots et de découpeuses, etc. La programmation est proposée aux ados – pour qu’ils agissent en connaissance de cause en utilisant leur smartphone – et aussi aux tout-petits ! « Ils apprennent à programmer sur leurs robots Montessori sans écran puisque les écrans sont déconseillés en dessous de six ans. Autant leur donner une culture numérique dès le départ », sourit Mélody Séguier. La médiathèque s’inscrit dans une démarche originale de médiation numérique par la création et le jeu. L’aide numérique qu’elle dispense (l’accès à 160 postes publics et à 60 postes d’initiation/formation, répartis dans les 14 médiathèques de la métropole) « ne permet pas de positionner, parmi ses équipes, des aidants numériques à proprement parler… Elle joue plutôt un rôle de poteau indicateur vers les spécialistes de cette aide », précise Jean- Marie Feurtet.
Travailleurs sociaux et conseillers numériques
L’inclusion numérique suppose des approches diversifiées. Celle du Centre d’expérimentation et d’innovation sociale (CEIS), que gère le centre communal d’action sociale de la ville de Montpellier, est « exclusivement inclusive ». Ce tiers-lieu social ouvert en 2018, structure montpelliéraine le plus en pointe dans la lutte contre la fracture numérique, offre une aide aux démarches en ligne en accès libre ou avec un médiateur, et des formations au numérique. Anne Bourdarias, l’une de ses responsables, insiste sur la lutte contre les difficultés d’accès aux droits, objectif du CEIS.
« Peu à peu, le numérique a envahi nos autres domaines d’intervention : l’emploi, la santé, le budget, etc. »
« L’équipe aidait au début à remplir en ligne un dossier administratif ou à utiliser un smartphone. Peu à peu, le numérique a envahi nos autres domaines d’intervention : l’emploi, la santé, le budget. Nos bénéficiaires apprennent à faire un CV sur traitement de texte, à utiliser les réseaux sociaux spécialisés dans la recherche d’emploi, etc. En quatre ans, 350 personnes sont venues au CEIS et près de 60 % d’entre elles ont un emploi ou une formation qualifiante, les autres travaillant sur leur projet professionnel. Pour parvenir à ce résultat, la coopération entre conseillers numériques et travailleurs sociaux est indispensable. Faut-il par exemple ouvrir simplement des droits (rôle du travailleur social) ou accompagner quelqu’un vers l’autonomie (tâche du conseiller numérique) ? »
Véritable écosystème
Les collectivités construisent une stratégie territoriale de médiation numérique à partir de l’expérience de ses acteurs, notamment La Fabrique ou le CEIS. Le Hub départemental d’inclusion numérique, créé via l’appel à projets de l’Agence nationale de cohésion du territoire, RhinOcc, coordonne le déploiement des conseillers numériques France Services, les services d’aidants numériques, etc. Il est relié à la mission Cité intelligente (Smart City) de la métropole, qui développe une citoyenneté numérique et anime, en coordination avec le CEIS, l’équipe des conseillers numériques répartis dans les maisons pour tous, les médiathèques, les guichets uniques des villes. Au sein de l’administration de la métropole, les RH accueillent des conseillers numériques qui accompagnent les 8 000 agents vers l’autonomie numérique.