Elles sont plus siamoises que jumelles, tout juste séparées par une même avenue le long de laquelle, par endroits, l’une s’imbrique dans l’autre. Toutes deux sont héritières de ce communisme rural en voie de disparition en Île-de-France. D’un côté, Marly-la-Ville, dont la population a doublé en cinquante ans pour atteindre 6 000 habitants ; de l’autre, Fosses et ses 10 000 habitants, qui a quintuplé la sienne en soixante ans. Des évolutions démographiques que l’on peut imputer à la fois à la proximité de Roissy et à l’acquisition d’un statut de deuxième couronne parisienne avec l’arrivée du RER.
Passées en deux décennies du rural à l’urbain, les deux villes se doivent de répondre à de nouveaux besoins. C’est à la fin des années 1980 qu’Alain Lacombe, maire de Fosses à l’époque, propose de doter leurs villes d’un cinéma qui leur soit commun. Les murs sont propriété d’un syndicat intercommunal et la gestion est confiée à une association subventionnée par les villes.
« Nous mettions de l’argent dans les sports, pourquoi pas dans un cinéma ? », raisonne Alain Lacombe. Avec un label « Art et essai » choisi d’entrée de jeu, autant par conviction que par les subventions qu’il ouvrait, auquel se sont ajoutés trois autres labels : « Jeune public », « Recherche et découverte » et « Patrimoine et répertoire ».
Basculé en régie municipale, le Cinéma de l’Ysieux — baptisé du nom du ruisseau qui, tout comme l’avenue, est commun aux deux villes —, est entré dans le giron d’une communauté d’agglomération étendue jusqu’à la Seine-et-Marne voisine. Fort de ses 30 000 entrées annuelles — soit autant que dans des villes cinq fois plus peuplées — et de ses 29 séances hebdomadaires, il s’inscrit désormais dans un réseau plus étendu.
« Cela assure la pérennité et est plutôt positif en termes de salaires, mais je regrette que le cinéma ait perdu son caractère associatif », tempère Florence Leber (en photo ci-dessus), adjointe au maire de Fosses en charge de la culture, tout en précisant que les associations y ont portes ouvertes. Elle se réjouit en revanche de l’itinérance des spectacles vers les quelques villages qui subsistent. La ruralité fait de la résistance.