Clinquants, les grands tournois de chevalerie de Carcassonne attirent chaque année de nombreux touristes. Dans le décor majestueux de la citadelle médiévale, on aime à se replonger dans une histoire vibrante. Même ambition avec les fêtes médiévales de Provins qui traitent depuis plus de trente ans un thème historique différent chaque année. « Beaucoup de ces initiatives locales visent le divertissement, analyse l’historien Florian Besson. Moi qui aime les spectacles historiques, je les trouve souvent bien faits, sans grosse erreur historique et sans vocation pédagogique spécifique. »
D’autres prennent appui sur une véritable expertise historique et travaillent la mise en scène pour s’adresser à un très large public et faire partager les dernières connaissances. Ainsi, les visites de la grotte Chauvet 2 en Ardèche et de Lascaux IV en Dordogne offrent des plongées spectaculaires dans le passé, grâce à la mobilisation de technologies de pointe, d’artistes plasticiens, tout en prenant appui sur les travaux et l’implication des scientifiques. La réplique de Chauvet 2 a été supervisée par Gilles Tosello, docteur en préhistoire et diplômé en arts graphiques, membre de l’équipe pluridisciplinaire de chercheurs qui étudient la grotte originale. La visite des lieux permet de faire passer par l’émotion des savoirs qui vont à l’encontre des idées reçues et de l’imagerie d’Épinal.
Identité et ouverture
Dans un pays constellé de « lieux de mémoire collective », pour reprendre le terme de l’historien Pierre Nora, la confusion entre mémoire et histoire peut laisser la porte ouverte à différentes entreprises d’appropriation de l’histoire, voire de concurrence mémorielle, jamais très éloignées des enjeux du présent. Non sans risques.
Coauteur d’un ouvrage consacré au Puy du Fou, Florian Besson met en garde contre les productions qui, sous couvert de divertissement, visent un but détourné, comme en témoigne le parc d’attractions vendéen et ses disciples : « Au château de La Barben, le parc Rocher Mistral s’apparente à un Puy du Fou provençal. On y retrouve les mêmes références traditionnelles et les mêmes valeurs de la chrétienté. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on met l’histoire en spectacle qu’on a forcément besoin d’une apparition divine, d’un message sur la grandeur de la France ou d’un discours réactionnaire. »
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À Orléans aussi, les fêtes johanniques flirtent, selon l’auteur, avec la manipulation historique, à travers « un discours très politisé qui diabolise ceux qui viennent de l’extérieur. »
Cette posture de repli sur un quant-à-soi très local est-elle une fatalité ? Le passage obligé pour valoriser la culture et l’histoire d’un territoire ? Absolument pas, à en croire Jean Peeters, le président du Festival interceltique de Lorient : « Tous les ans, pendant dix jours¹, toute la ville de Lorient vibre au son du festival, qui ne se limite pas à la culture bretonne, mais s’ouvre à toutes les cultures celtes, dans une acceptation très large. »
De la Bretagne, particulièrement mise en avant le premier week-end, avec le concours de Bagadou, à l’Écosse, en passant par l’Irlande, le pays de Galles, les Cornouailles, la Galice, l’île de Man et les Asturies, le Festival interceltique se présente comme un melting-pot culturel, ouvert et évolutif. Il a d’ailleurs, au fil des années, élargi son aire de résonance aux « diasporas » des nations celtes (Acadie, Australie, Cuba, Argentine, Chili, Mexique).
« La présence de musiciens de cultures différentes est le symbole d’une identité ouverte sur le monde, insiste Jean Peeters. Nous ne nous inscrivons pas dans l’histoire romantisée d’un passé, mais nous veillons à mettre à l’honneur des cultures populaires vivantes, avec l’idée de les faire communiquer entre elles. »
Un dialogue qui se veut garant d’un subtil équilibre entre la revendication d’une identité forte et l’acceptation de sa régénération.
¹ : La 51e édition du Festival interceltique de Lorient se déroulera cette année du 5 au 14 août.