À la Réunion, depuis cinq décennies, le chômage réel est rarement descendu sous la barre des 20 %. Parallèlement, des milliers d’emplois restent non pourvus, par manque de personnels qualifiés. 80 % des produits consommés sont importés sans que les marges soient régulées ni contrôlées.
Se nourrir y coûte 37 % plus cher que dans l’Hexagone (Insee, juillet 2023). Les services sont au même diapason. À titre d’exemples, ceux de la santé, des communications et des loisirs y sont respectivement 9 %, 25 % et 14 % plus chers. Seuls les transports (- 4 %), l’électricité et l’eau subventionnées, et l’habillement (- 3 %) affichent des prix très légèrement inférieurs.
Conséquences : 40 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; un enfant sur deux grandit au sein d’une famille pauvre ; 53 % des jeunes de 18 à 25 ans sont victimes de ce fléau ; 100 000 personnes habitent dans des logements insalubres. De surcroît, l’île compte plus de 110 000 illettrés.
Et, chaque année, plus de 10 000 Réunionnais quittent l’île, le plus souvent pour la métropole. Ces données font dire à l’Insee que la situation à la Réunion est « hors norme », et à Élie Hoarau que « la confiance est rompue entre la population et les institutions, dont le pouvoir métropolitain ».
Il en veut pour preuve supplémentaire le taux sans cesse décroissant de participation aux élections. « Dans l’île, à la dernière présidentielle, souligne- t-il, l’abstention a atteint 60 %, soit deux fois plus qu’au plan national. » La situation sociale hautement dégradée est la conséquence d’un libéralisme débridé promu, depuis des décennies, par les plus hautes instances de l’État. Elle se trouve en outre aggravée par une dépendance chronique de l’île à l’égard de l’Hexagone et, par extension, à l’Europe.
Comme le souligne Élie Hoarau, « cette vulnérabilité s’est manifestée de façon criante lors de l’épisode du Covid-19 et, aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine. Cela se traduit notamment par un déficit de la balance commerciale abyssal, le taux de couverture des importations par les exportations ne dépassant pas 5 %. ».
Seule une minorité, aux allures de bourgeoisie compradore, tire un profit substantiel des flux commerciaux. Des familles réunionnaises apparaissent dans le classement Challenges des grandes fortunes : la famille Goulamaly (holding Océinde) et la famille Ravate.
« la confiance est rompue entre la population et les institutions, dont le pouvoir métropolitain »
Les autres grands bénéficiaires sont les grandes sociétés métropolitaines comme les grandes surfaces, les monopoles pétroliers, les constructeurs automobiles, etc. Ils captent notamment les fonds transitant par la Réunion sans contribuer pour autant à des investissements productifs locaux.
Pour Élie Hoarau, « on a affaire à une économie de comptoir caractéristique des pratiques néocoloniales ». Les diverses politiques dites d’« assimilation », d’« intégration » et enfin d’« intégration sans assimilation » ont atteint leurs limites, comme en témoigne la situation globale de l’île.
Toujours selon l’auteur du manifeste, il convient de les dépasser en tenant compte...