En 2027, Vénissieux (Rhône) disposera d’une Maison des Mémoires. Le projet né dans la tête de la maire, Michèle Picard, en 2012, touchera bientôt au but. « Je m’étais rendu compte que les parents des conseillers du conseil municipal des enfants ignoraient que notre ville était connue dans le monde entier pour une rose, la Vénissiane ou rose jaune de Pernet-Ducher », se souvient-elle. Pour l’élue, Vénissiane de toujours, c’était le signe d’un défaut de transmission mémorielle entre générations. « Une ville est comme un individu : rien ne se fait en un jour, il y a dans son identité, comme dans son patrimoine, l’inscription du cours du temps, de strates qui se déposent et s’additionnent et qui font Vénissieux aujourd’hui ».
La commune possède le musée de la Résistance et de la Déportation, ainsi que son fonds légué par les anciens résistants. La période de la Seconde Guerre mondiale a marqué l’identité locale. Vénissieux comptait en ses murs un camp d’internement. Mais aussi, nœud ferroviaire et siège d’entreprises collaborationnistes, elle a subi de lourds bombardements des alliés à la libération. La ville en a payé un lourd tribut, ce qui lui a valu de recevoir la Croix de guerre en 1945. Pour autant, Michèle Picard avoue sans détour que « pour raconter l’histoire de Vénissieux, s’en tenir à l’histoire locale de la résistance et à la déportation serait un peu réducteur ».
Appel aux habitants
La Maison des Mémoires, qui sera installée dans le bâtiment de l’actuel musée augmenté par deux extensions, devra aussi valoriser d’autres périodes constitutives des identités de la ville : les origines gallo-romaines, la tradition horticole, les mémoires ouvrières forgées avec le passé industriel de la ville.
Et puis, il y a la période plus récente, celle de la construction des grands ensembles sur le plateau des Minguettes pour accueillir les vagues successives d’immigration à partir du début des années 1960. Un quartier classé politique de la ville aujourd’hui, théâtre d’émeutes urbaines en 1981, qui furent à l’origine de La marche des beurs. Pas question dans la future Maison des Mémoires de faire l’impasse sur l’immigration dans cette ville où vivent des habitants de 57 origines différentes.
S’il a fallu quinze ans entre l’émergence de l’idée et la livraison de l’équipement, c’est parce que la ville a souffert de la baisse des dotations de l’État en 2013, un manque à gagner de sept millions d’euros correspondant à l’investissement nécessaire au projet. Un financement pour l’instant porté par la seule commune. « J’ai eu d’autres priorités, en particulier pour les écoles », poursuit la maire. Quoi qu’il en soit, le projet a fait l’objet d’une délibération du conseil municipal en décembre dernier, le concours d’architectes a été lancé et un appel a été fait auprès de la population afin de constituer un fonds d’objets, de photos et de pièces diverses pour retracer le parcours des migrations, des idées pour organiser des événements comme un repas multiculturel chaque année. Baptisé Rol Tanguy, l’immeuble ne sera pas débaptisé, on lui ajoutera le nom d’une femme.