Qu’il semble loin le temps de la COP 21 et de l’accord de Paris de 2015 ! Pour mémoire, il prévoyait de limiter la hausse moyenne des températures à l’échelle de la planète à 1,5 °C à la fin du siècle par rapport à l’époque préindustrielle. Moins de dix ans plus tard, les experts du GIEC envisagent une hausse de 3 °C de la température mondiale. Il s’agit d’une moyenne : comme toutes les parties de la surface du globe ne subiront pas le même impact, les océans se réchauffant moins vite que les continents. L’hypothèse la plus probable pour la France est une température moyenne en hausse de 4° d’ici à 2100.
En 2100, Marseille aurait le même climat que Séville aujourd’hui, Lyon celui de Rome…
Marseille aurait alors le même climat que Séville aujourd’hui, Lyon celui de Rome, Paris celui de Montpellier ou encore Lille celui de Bilbao. Si hier, on comptait essentiellement sur la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, sur la décarbonation des activités humaines et sur la fin des énergies fossiles pour enrayer la machine, il y a désormais urgence à s’adapter.
Atténuation et adaptation
Ainsi, nous passons d’une stratégie visant à atténuer tout ce qui contribue au dérèglement climatique, à une stratégie combinant atténuation et adaptation des territoires et activités. Une petite musique est distillée selon laquelle l’effort en faveur de l’atténuation est mondial. Certes, il l’est. Mais pour autant chacun doit prendre sa part. Tout comme le petit colibri, cher à Pierre Rabhi, participait avec ses petits moyens à éteindre le gigantesque brasier qui dévastait la forêt, chacun, particuliers, entreprises, État et collectivités, peut aussi faire en sorte de tendre vers un bilan carbone qui soit le plus neutre possible. Quant à l’adaptation, elle relève beaucoup plus du local en fonction des spécificités des territoires. Dans son rapport sur l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique, paru en mars dernier, la Cour des comptes soulignait que cette question « s’impose également par son ampleur. Elle intéresse en effet non seulement les décideurs et gestionnaires publics, mais également l’ensemble de nos concitoyens et des acteurs économiques, usagers et financeurs des nombreux services publics pour lesquels l’adaptation au changement climatique constitue à la fois un impératif et un défi technique et financier ».
Le rapport présenté par la Cour des comptes offre un panorama à 360°. Avancée du trait de côte, migration d’essences végétales du Sud vers le Nord, modification des pratiques agricoles, raréfaction de l’eau, impact sur les infrastructures énergétiques ou de transport, sur le logement, sans oublier les espaces urbanisés, tout y passe. Et, selon la Cour toujours, « l’adaptation au changement climatique ne saurait être appréhendée seulement sous l’angle économique et financier. Elle impose d’abord que des choix politiques soient faits, dans tous les domaines de l’action publique. »
L’été plus long et plus chaud
Depuis le début de l’année, pas un mois ne s’est achevé sans que des records de chaleur n’aient été battus. La saison estivale approchant, elle fait redouter la survenue de périodes caniculaires. L’été 2003 a profondément marqué les esprits, la canicule avait été à l’origine d’une surmortalité estimée à 15 000 décès. Mais ce qui à l’époque avait pu passer pour un aléa climatique exceptionnel est en train de devenir récurrent, du fait de l’accélération du réchauffement climatique. Durant l’été 2023, Météo France a comptabilisé quatre épisodes caniculaires d’ampleur. Et, ses experts sont formels, « les vagues de chaleur sont plus nombreuses », « plus longues » pouvant atteindre jusqu’à 2 mois dans l’année, « plus sévères » avec une élévation de 3 °C l’été dernier par rapport à la moyenne, « plus précoces », pouvant survenir dès le mois de mai, mais aussi « plus tardives » pouvant encore frapper en septembre.
Le montant des investissements nécessaires pour s’adapter n’est pas à négliger. En mai 2023, le rapport des économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l’action pour le climat évaluait à 67 milliards d’euros par an à l’horizon 2030 les investissements supplémentaires à réaliser pour accompagner la transition climatique, la part des administrations publiques étant comprise entre 25 et 34 milliards d’euros. Dans cette enveloppe, les seules dépenses liées à l’adaptation sont évaluées à 3 milliards par an. Autant dire que financeurs publics et privés se retrouvent face à un véritable « mur d’investissements ».
Regarder la réalité en face
Le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) est en cours d’élaboration depuis le lancement en janvier dernier des consultations avec les acteurs publics et privés. Il devrait apporter quelques réponses.
L’adaptation au changement climatique constitue à la fois un impératif et un défi technique et financier
« Cette année 2024, ce sera l’année de l’adaptation. Une année où nous allons passer du constat, de la sortie du déni, à la mise en œuvre des mesures qui sont nécessaires », a prévenu Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Sa franchise a été saluée par Terra Nova le 21 mai dans une note sur l’adaptation du pays à une hausse à + 4 °C. « La responsabilité du gouvernement est bien de regarder en face la réalité du changement climatique et de préparer le pays à affronter ses conséquences, tout en faisant tout pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et limiter ainsi le réchauffement que nous aurons à subir », souligne le think tank.
Autant dire que le 3e PNACC est plus qu’attendu. Le Fonds vert, lancé début 2023, doté de 2 milliards d’euros pour accompagner 6 000 collectivités a, grâce aux effets de levier, généré jusqu’à 10 milliards d’investissements. Sa pérennisation est prévue jusqu’en 2027. Qu’adviendra-t-il ensuite, la réponse viendra sans doute avec le nouveau PNACC.
Quelles solutions pour les collectivités ?
Elles ne restent pas les bras croisés. Pour les collectivités, des solutions existent d’ores et déjà, comme la réduction des îlots de chaleur urbains, la création de réseaux de froid, la pose d‘ombrières, la désimperméabilisation des sols, la végétalisation des espaces publics, la création de lieux-refuges en cas de fortes chaleurs dans des bâtiments publics rafraîchis, par exemple. Petites ou grandes communes, EPCI… Les élus locaux sont de plus en plus nombreux à prendre des initiatives. En cela, ils se montrent à la fois prévenants et attentifs aux préoccupations des citoyens. Début janvier, lors du lancement du PNACC 3, un sondage de Harris Interactive révélait que 86 % de la population se dit inquiète face au réchauffement climatique de la planète, voire très inquiets pour quatre Français sur dix. En outre, neuf personnes sur dix jugent nécessaire de s’adapter au changement climatique. Les esprits sont donc mûrs.