Décivilisation, ensauvagement de la société… Les termes forgés par l’extrême droite sont désormais au cœur du débat public, jusque dans le discours présidentiel sur la sécurité. Comme si l’on ne pouvait parler du sujet qu’en termes toujours plus durs et au risque que la peur soit mauvaise conseillère sur les politiques à conduire pour faire reculer durablement l’insécurité.
Fantasme ou réalité ?
Certes, on ne peut ignorer un durcissement de la délinquance qui met à mal un droit humain fondamental, celui de vivre sans être menacé. Les chiffres 2022 du ministère de l’Intérieur sont inquiétants : hausse de 9 % du nombre de victimes d’homicide, hausse des coups et blessures volontaires, augmentation de 8 % du nombre de victimes d’escroqueries, sans parler des vols sans violence et cambriolages repartis à la hausse après la période Covid.
Dans le même temps, le narcotrafic gangrène tout le territoire avec ses 3 000 points de deal répertoriés par l’Office anti-stupéfiants (Ofast) et leur lot de violences et corruption jusque dans les villes moyennes, théâtres d’affrontements armés : Belfort, Cavaillon, Troyes ou Le Creusot… et tant d’autres.1 À ce sombre tableau s’ajoute la hausse des violences sexuelles enregistrée par la police et la gendarmerie : respectivement +15 % et +11 %, ainsi que la hausse des violences conjugales, car l’insécurité est aussi nichée dans la sphère intime ou familiale.
Cette vision pessimiste est toutefois à nuancer. Le Centre d’observation de la société, dirigé par Louis Maurin, estime que : « l’insécurité n’augmente pas en France. Depuis le milieu des années 1980, les violences les plus graves diminuent : on s’entretue de moins en moins. Le nombre de coups et blessures est resté stable de 2008 à 2016, autour de 220 000 par an, puis il a fortement progressé pour atteindre 350 000 en 2022 ».
Mais « cette situation est, pour l’essentiel, le résultat d’un durcissement de la loi » qui conduit à comptabiliser de plus en plus d’infractions comme des délits.2 Pour sa part, le Manifeste pour la sécurité, édité par l’Efus, Forum européen pour la sécurité urbaine, souligne que « les villes européennes offrent aux citoyens des espaces de sécurité, de liberté et de bien-être qui, quoique malheureusement inégalement répartis, demeurent uniques au monde »3.
Les limites du tout répressif
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