Le monde semble saturé, fini, comme si l’humanité, par le biais de ses inventions surhumaines, avait atteint les limites planétaires », constate Riccardo Ciavolella, anthropologue et chercheur au CNRS. Comme si, sur cette terre, il n’y avait plus d’ailleurs. Est-ce si sûr ? Dans toutes les langues, dans toutes les cultures, il y a plein de noms de lieux, fictifs ou réels, employés pour désigner les trous perdus, les bleds paumés, métaphores de l’éloignement, de l’insignifiance, du manque d’intérêt…
De Tataouine à Saint-Glin-Glin-des-Meu-Meu
C’est le Canicatti des Italiens, le Kalamazoo des Américains, le Saint-Glin-Glin-des-Meu-Meu des Québécois, le Foufnie-les-Berdouilles des Belges, la Conchinchina des Espagnols… Nous disons volontiers en France Tataouine, Tombouctou, sans oublier le Vesoul que chantait Brel 1, et tous ces coins de la fameuse « Diagonale du vide », comme la Creuse ou la Lozère, où les vaches sont réputées plus nombreuses que les habitants. La langue française se prêtant visiblement au jeu avec bonheur, voilà encore Perpète-les-Oies, sa variante Trifouilly-les-Oies, et bien sûr Pétaouchnok. En Mauritanie, où il menait un terrain de recherche ethnographique, Riccardo Ciavolella a constaté que pour les Nouakchottois le village de Lahraj, en pleine brousse vers la frontière avec le Mali, tenait lieu de Canicatti ou de Pétaouchnok.
« Depuis ce séjour-là, dans mes...