— L’expérience de la pandémie est-elle à l’origine de la candidature de Bourges ?
Yann Galut : La pandémie a renforcé notre discours quand nombre d’habitants des métropoles ont souhaité s’installer dans la ruralité, dans des villes à taille humaine. Bourges a 65 000 habitants, de l’immobilier, beaucoup de verdure, la campagne est à cinq minutes du centre-ville, le contact et la proximité sont privilégiés et il n’y a pas les embouteillages des métropoles. C’est une ville où il fait bon vivre.
Mais la candidature vient d’un peu plus loin. En 2016, conseiller départemental, je réfléchissais à la façon de réveiller Bourges par la culture pour vivre ensemble. En 2017, j’avais proposé au maire de se saisir de l’idée pour porter la candidature de Bourges, il avait refusé. Mon sentiment pendant la campagne électorale qui a suivi, donc avant le Covid, c’était que la culture pouvait être à nouveau un levier de développement culturel, social, économique. Dès septembre 2020, Bourges a été candidate.
— Dans cette période d’incertitude et de difficultés économiques, quels arguments justifient l’intérêt d’investir dans la culture ?
Y. G. : C’est un combat politique au sens noble du terme. Je considère que la culture est un moteur, encore plus quand le pays est en récession, en difficulté économique. La culture doit proposer une alternative. Je fais partie des maires qui, en janvier 2021, sont montés en première ligne pour dire que la culture était essentielle et qu’il fallait rouvrir les musées. Avec Cécile Helle, la maire d’Avignon, nous avons lancé un appel public afin de trouver des solutions pour que la culture ne soit pas rayée de la carte pendant la pandémie.
« Ce modèle est transposable en s’appuyant sur les potentiels culturels qui existent partout. On peut créer des écoles d’art, des filières artistiques, proposer des locaux peu chers aux artistes »
— Quelle a été la réaction des habitants ?
Y. G. : Avec la sélection de Bourges pour le deuxième tour, en mars 2023, les habitants ont pris conscience de l’intérêt d’être capitale européenne de la culture. Dix jours avant la décision finale en décembre, j’ai senti la ville frémir. La population espérait la victoire, mais n’y croyait pas. Face aux trois métropoles, Montpellier, Rouen, Clermont-Ferrand, il y avait un petit complexe d’infériorité. Ce qui est incroyable, c’est l’engouement depuis la victoire. J’ai réussi un pari que je m’étais donné en tant que maire, rendre la fierté aux Berruyers.
— Bourges 2028 inscrit la culture comme levier de la transition écologique, de sobriété…
Y. G. : Pour notre parcours d’expositions, nous réutilisons nos bâtiments. Nous avons fait le choix de ne pas construire, mais de rénover des espaces abandonnés ou qui avaient une autre vocation. C’est ça la sobriété. Et nous allons beaucoup nous appuyer sur les artistes locaux. C’est comme ça qu’on passe d’un budget qui était à une époque de 80 M€ à un budget de 45 M€.
Ce modèle est transposable en s’appuyant sur les potentiels culturels qui existent partout. On peut créer des écoles d’art, des filières artistiques, proposer des locaux peu chers aux artistes. Les villes comme Bourges peuvent proposer de grands ateliers à des prix défiant toute concurrence, et créer des résidences d’artistes.
— Un autre argument de la candidature a été la gestion bas carbone des mobilités…
Y. G. : Cela a beaucoup plu à la Commission européenne. Matera, ville italienne magnifique de 60 000 habitants, dont le territoire a été complètement abandonné, fut capitale européenne pour se créer un avenir. En 2019, beaucoup de gens venant d’Europe ont pris l’avion pour Bari. Mais dix ans après, les visiteurs ne viendront pas à Bourges de la même manière. Nous leur proposons de privilégier les transports en commun, en arrivant à Paris avec des trains de nuit dans lesquels il y aura des expositions, des performances, des pièces de théâtre… À partir de Bourges, des bus alimentés à l’hydrogène, le « RER bas carbone », feront des navettes vers Saint-Amand-Montrond, Noirlac, ou les châteaux de la Loire… Notre pari, c’est un gros tiers des visiteurs qui privilégient le train et viennent dix jours plutôt que deux fois deux jours.
— Que peuvent en attendre les habitants ?
Y. G. : Outre une fierté pour la ville, les habitants vont participer à partir de six assemblées citoyennes locales, qu’on a appelées les ruches de quartier, pour construire des projets qui animeront leur quartier en 2028.
J’ai dit au jury européen : si vous choisissez Rouen, Montpellier ou Clermont-Ferrand, ce sera une évolution pour ces villes, mais elles ont déjà tout. Si vous choisissez Bourges, ce sera une révolution. J’ai vu l’impact que ça a eu à Matera ou à Veszprém en Hongrie. Il y aura des installations d’entreprises, on va privilégier les entreprises culturelles, doubler notre capacité d’accueil touristique, créer des hôtels, des restaurants, des filières de formation avec la région. Bourges va se transformer radicalement. Et l’agglomération également. Elle a la compétence enseignement supérieur, tourisme, formation, attractivité du territoire. Les quatre collectivités sont les membres fondateurs de la capitale européenne de la culture.
— Quel héritage laissera la candidature ?
Y. G. : Le projet de Cité européenne des auteurs et des artistes Mélina Mercouri, au sein de l’Hôtel-Dieu, va perdurer. La Cité sera à la fois un centre de ressources et la tête de pont d’un réseau pour qu’artistes, auteurs et associations de toute l’Europe viennent à Bourges faire rayonner leur créativité au sein du réseau des résidences associées, les Villas Europa.
Le Printemps de Bourges va prendre une autre dimension, plus européenne. La maison de la culture, centrale dans la candidature, va se développer. Enfin, Le bel été européen de Bourges sera lui aussi amplifié. Bourges va vivre culturellement toute l’année.