Depuis longtemps déjà, Jimmy Bâabâa, adjoint au maire en charge de la Transition écologique et de la Commande publique de Chambéry, rêvait d’éteindre la lumière la nuit dans cette ville de quelque 60 000 habitants. Avant tout pour lutter contre la pollution lumineuse et préserver la biodiversité.
Mais, comme à toute chose malheur est bon, c’est la crise énergétique de l’automne 2022 qui aura donné l’occasion à la collectivité d’expérimenter l’extinction de son éclairage public. « On avait déjà amorcé des réflexions sur le sujet, pour baisser la puissance des luminaires et redéfinir notre politique d’éclairage de notre patrimoine, explique Jimmy Bâabâa. Avec la crise, la peur des pénuries et la nécessité de faire des économies, le passage à l’acte a été plus facile et on a appuyé sur l’accélérateur !»
Anticipant les réticences en termes de sécurité, l’équipe municipale s’est renseignée, avant de se lancer, auprès des autorités de police et de justice : « On a ainsi découvert qu’aucune étude ne faisait de corrélation entre l’éclairage et l’insécurité, note l’élu. On a aussi interrogé les professionnels qui travaillent la nuit, chauffeurs de bus ou de camions-poubelles ; enfin, on s’est assuré que la vidéosurveillance serait toujours opérationnelle. »
À partir d’octobre 2022, 99 % des 10 000 lampadaires de la ville ont donc été éteints tous les jours, de minuit à 5 heures ; seul un petit périmètre, délimité en concertation avec les forces de l’ordre, était alors exclu du dispositif.
AJUSTEMENTS AU BOUT D’UN AN
Au terme d’une année d’expérimentation, qui a permis d’évaluer la mesure à toutes les saisons et lors de différents événements, la décision a été pérennisée, avec de légers ajustements. L’heure d’extinction a été retardée à 1 h 30 les jeudis, vendredis et samedis, pour ne pas nuire à la vie nocturne.
En complément, il a été décidé de maintenir l’éclairage toute la nuit sur certains parkings et artères. « On a créé des corridors lumineux pour que les gens retournent à leur voiture ou à leur résidence par des itinéraires rassurants », décrypte Jimmy Bâabâa. En outre, le mobilier urbain a été équipé de stickers rétroluminescents pour éviter les collisions.
Avec dix-huit mois de recul, comment l’adjoint au maire analyse-t-il l’expérience et quels conseils donne-t-il à ceux qui voudraient initier pareille évolution ? « Je retiens avant tout que si on avait écouté ceux qui prédisaient qu’on allait mettre la ville à feu et à sang, on ne l’aurait jamais fait, souligne-t-il. Il ne faut donc pas s’interdire d’expérimenter, avant même de sonder la population ; car, personne n’ayant l’expérience de l’espace public obscur le soir, on n’aurait pas recueilli d’avis objectifs. »
La plateforme mise en place par la mairie, une fois les feux éteints, a recueilli près de 300 contributions citoyennes, dont un tiers très défavorable, par crainte de l’insécurité. Consciente que ce sujet pourrait faire capoter l’expérimentation, la majorité municipale, qui a suivi les chiffres de la police comme le lait sur le feu, n’a constaté « aucune dégradation d’indicateur particulier » depuis le retour du noir.
Elle vante en revanche la réduction de la facture énergétique (130 000 € en un an) et une légère baisse des émissions de CO2 liées à la mesure.