Par Marie-Pierre VIEU-MARTIN et Bruno LAFOSSE
Le contraste est saisissant. D’un côté, la France éternelle du triporteur, du ballon ovale et des campagnes que Jean Dujardin nous a offertes à l’ouverture de la Coupe du monde de rugby. De l’autre, celle des Gilets jaunes et des ronds-points témoignant du sentiment de déclassement de populations oubliées de la République. Entre les deux, la ruralité se présente dans une extrême diversité sociale et économique. Au total, 22 millions de Français vivent dans la ruralité, soit 30 % de la population française pour 80 % des communes1. Et si celle-ci a plutôt bonne presse auprès de nos concitoyens (59 % du grand public), une série d’obstacles obèrent son attractivité, à commencer par la persistance d’un « sentiment d’abandon imputable au recul des services publics et amplifié par l’inflation et la crise du carburant ». (IFOP2, juin 2023)
RUPTURE D’ÉGALITÉ
La rupture d’égalité n’est pas que territoriale, elle est également culturelle. Le sociologue et c hercheur à l’INRAE, Benoît Coquard, auteur de Ceux qui restent3, montre que l’isolement des ruraux les conduit à développer d’autres logiques de valorisation sociale : les jeunes comme ceux des quartiers populaires pratiquent « un entre nous » et un « on peut s’en sortir seuls » au mépris du développement des solidarités.
Cette relégation géographique et sociale alimente un repli sur soi et un rejet des élites qui peuvent faire le lit de l’extrême droite. La réalité est évidemment plus complexe. Mais l’urgence justifie que le gouvernement lance un Plan ruralité pour revitaliser les campagnes, sous la houlette de la Première ministre Élisabeth Borne. Ce plan prévoit la création d’un programme Villages d’avenir, le renforcement de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité (de 42 à 100 millions d’euros) ou encore la mise en place d’un fonds pour des actions immédiates sur le quotidien des habitants (90 millions d’euros sur 3 ans). Sont aussi pérennisées les Zones de revitalisation rurale (ZRR) qui ont été créées en 1995 pour soutenir l’emploi local.