Articles dossier, ENTRETIEN

Contenu abonné

Renaud Epstein « L’Anru n’avait pas pour objectif d’empêcher les émeutes »

Pour le spécialiste, l’Anru était nécessaire et a, au moins, tenu la promesse de rénover le bâti et le cadre de vie.
La rédaction
La rédaction
Publié le 21 septembre 2023
Renaud Epstein est maître de conférence en science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
— L’Anru a été lancée il y a vingt ans par Jean-Louis Borloo. Les émeutes signent-elles l’échec des politiques de rénovation urbaine ? 

Renaud Epstein : Il s’agit d’un raccourci tout aussi faux que celui fait par Borloo en 2005 quand il affirmait que les quartiers où la rénovation urbaine était la plus avancée avaient été moins « chauds » que les autres. L’Anru n’avait pas pour objectif d’empêcher les émeutes, même si les opérations conduites intègrent de façon croissante les principes de la 

prévention situationnelle (prévention de la délinquance par l’aménagement urbain) : création de voiries traversantes pour faciliter l’accès des voitures de police, enterrement des containers à ordures pour éviter les feux de poubelles, sécurisation des transformateurs électriques pour empêcher les émeutiers de couper l’éclairage public…
Pour évaluer la rénovation urbaine, il faut partir des objectifs initialement fixés : la mixité sociale et le développement durable. Ce second point a été rapidement oublié par l’Anru et les acteurs locaux, qui ont fait de la mixité leur objectif central. Il s’agissait d’organiser une mixité exogène, en attirant des populations venues de l’extérieur. Il fallait donc restaurer l’attractivité des quartiers, en banalisant l’urbanisme et l’offre de logements. Vingt ans après la loi Borloo, force est de constater que cela n’a pas marché : les quartiers rénovés demeurent des quartiers très populaires, contrairement aux espoirs des acteurs de la rénovation urbaine et aux craintes de ceux qui dénonçaient une politique de gentrification qui reléguerait les pauvres toujours plus loin. Ceci s’explique largement par le choix fait en 2003 d’organiser cette politique à l’échelle communale. Ce choix a facilité la mise en oeuvre rapide des opérations, mais elle réduisait le potentiel de déconcentration de la pauvreté par la démolition- reconstruction. Pour atteindre l’objectif de mixité, il aurait sans doute fallu organiser les opérations à l’échelle intercommunale comme le promeut désormais l’ANRU, ou privilégier une logique plus endogène, centrée sur la promotion des parcours de mobilité sociale et résidentielle sur place des habitants déjà là.

L’inspiration politique réserve cet article à ses abonnés, mais serait ravie de vous compter parmi eux.
Rejoignez une aventure éditoriale
libre et inspirante

ça peut vous intéresser

Service

Streetco
Streetco
Première application GPS piétonne collaborative

Innovation

Quand on n’a pas de pétrole… il reste les égouts et l’eau de mer pour fournir des calories au réseau de chaleur et réguler les températures des bâtiments publics. Exemples...

Innovation

Créée en 2008, l’association Orchestre à l’école développe la pratique instrumentale au primaire et au collège. Elle finance la moitié des dépenses nécessaires à l’achat des instruments et s’engage sur...

Innovation

Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. Près de 400 personnes vont participer à une expérience de Sécurité sociale alimentaire qui bénéficiera également aux agriculteurs....

Innovation

Plantée fin 2021, la forêt urbaine Miyawaki de l’Université de technologie de Troyes connaît une croissance rapide et voit éclore une grande diversité d’espèces végétales et animales. Elle devient un...

Innovation

Pour le politologue Benjamin Morel, c’est une forme de mépris du président de la République à l’égard des élus locaux et des corps intermédiaires qui caractérise la séquence politique qui...

Innovation

À Saint-Tropez (Var), l’intelligence artificielle se met depuis l’été dernier au service de la lutte contre les dépôts sauvages. Les premiers résultats sont très concluants....

NE PERDEZ PAS L’INSPIRATION,

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER

Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer les lettres d’information de la société Innomédias. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans la lettre d’information.
En savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et vos droits