BÉNÉDICTE GENTHON
directrice adjointe bioéconomie et
énergies renouvelables de l’ADEME
Propos recueillis par Bruno LAFOSSE
— Pourquoi miser sur les énergies renouvelables ?
Bénédicte Genthon : Il est important d’accélérer leur déploiement si l’on veut répondre aux enjeux climatiques et tenir nos engagements internationaux et européens. Nous nous sommes engagés, dans le cadre de l’accord de Paris en 2015, à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Nous avons par ailleurs pris des engagements au niveau européen, d’une part de 33 % d’énergies renouvelables (EnR) dans la consommation d’énergie d’ici 2030, objectif qui sera rehaussé par la prochaine directive sur les EnR (RED3). Or nous n’étions qu’à 19 % en 2021 ! Pour l’électricité, il faut atteindre au moins 40% de part de renouvelables en 2030. L’ADEME a travaillé à décrire quatre scénarios d’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 : le projet Transition(s) 2050. Quel que soit le scénario, l’approvisionnement énergétique repose à plus de 70 % sur les énergies renouvelables en 2050. Face à l’urgence, il est donc indispensable d’actionner l’ensemble des leviers à notre disposition, la sobriété, l’efficacité et un mix énergétique décarboné où toutes les EnR auront leur part : éolien terrestre et en mer, photovoltaïque, chaleur renouvelable… On le voit avec notre parc nucléaire. D’ici 2035, 26 de nos 56 réacteurs totaliseront cinquante années d’exploitation. La construction de nouveaux réacteurs prendra du temps, on ne pourra se passer des énergies renouvelables entre les deux.
— Pourquoi l’ADEME a-t-elle lancé le réseau des Générateurs ?
B.G. : Nous avons identifié qu’un des verrous au déploiement des EnR dans les territoires réside dans le manque d’accompagnement des petites communes et intercommunalités, en particulier dans les phases en amont des projets, pour mener la concertation, construire les montages juridiques… Pour accélérer la production d’énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïques, nous avons donc lancé fin 2021, en accord avec le ministère, la création d’un réseau de conseillers de proximité, les Générateurs, qui apportent des conseils techniques, juridiques ou encore financiers aux collectivités qui disposent de foncier pour développer des projets… Les Générateurs ont reçu des formations dispensées par des experts reconnus, notamment sur l’implication des collectivités territoriales dans un projet éolien ou photovoltaïque ainsi que sur les projets EnR citoyens et participatifs.
— Comment interviennent Les Générateurs ?
B.G. : Ce sont des interlocuteurs de proximité, qui connaissent les territoires et leurs enjeux. Ils sont rattachés à des structures locales (syndicat d’énergie, Agences Locales de l’Énergie et du Climat, collectivités territoriales, associations…) et ont un rôle de conseil neutre et objectif pour la collectivité. Ils accompagnent élus et techniciens avec le souci de l’intérêt général. Ils sensibilisent sur l ’éolien et le photovoltaïque au-delà des idées reçues, favorisent la montée en compétences dans les domaines techniques, juridiques, financiers. En aidant par exemple à la rédaction de cahiers des charges ou en favorisant la discussion avec les développeurs de projets. Ce type d’intervention permet l’émergence de projets coconstruits avec les territoires. Ce réseau est financé pour trois ans par l’ADEME, le ministère, des conseils régionaux ainsi que par les structures d’accueil. Toutes les collectivités qui souhaitent bénéficier d’un conseil de premier niveau peuvent prendre contact avec leurs conseillers locaux Générateurs, en passant par le site internet du réseau : lesgenerateurs.ademe.fr.
« La loi du 10 mars 2023 donne un rôle important aux élus territoriaux pour accélérer la production d’énergies renouvelables »
— Après bientôt deux ans d’existence, quel premier bilan dressez-vous ?
B.G. : Le réseau des Générateurs s’est structuré. Nous disposons de 40 conseillers formés sur treize régions (métropole et DROM). Des discussions sont en cours pour couvrir la Normandie, le Centre-Val de Loire et la Corse. Nous finalisons la mise en place pour l’Île-de-France. Notre réseau s’est formé puis structuré au niveau national, avec une première rencontre nationale qui a permis de partager de premiers retours d’expériences le 14 mars dernier. Nous mettons également en place une base documentaire et des outils de communication qui permettent aux conseillers de favoriser l’interconnaissance. De premiers accompagnements ont déjà porté leurs fruits. Nous avons ainsi facilité la mise en œuvre d’un projet photovoltaïque sur sol et sur toiture dans l’agglomération du Grand Dole, dans le Jura, grâce à l’accompagnement des élus, à l’identification des terrains ou par une aide au montage juridique. Autre exemple : un projet de six éoliennes terrestres dans le Grand Est bloqué depuis quatre ans. Avec Les Générateurs, nous avons contribué à une meilleure information sur le projet.
— Quel rôle les élus locaux ont-ils à jouer ?
B.G. : La loi du 10 mars 2023 — relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables — donne un rôle important aux élus territoriaux avec des dispositifs de planification territoriale des énergies renouvelables pour faciliter l’appropriation locale des projets et assurer leur meilleure répartition dans les territoires. Nous travaillons à mettre à la disposition des collectivités locales les informations pour permettre aux communes, après concertation du public, d’identifier des zones d’accélération favorables à l’accueil des installations. Le réseau des Générateurs tombe à point nommé pour accompagner les élus dans ces missions.
— Les territoires ruraux sont-ils les seuls à devoir produire un effort en faveur des énergies renouvelables ?
B.G. : Il est vrai que les projets éoliens et photovoltaïques se développent surtout dans les territoires ruraux, parce qu’ils disposent d’espaces disponibles. En outre, ils sont plus visibles. Néanmoins, on déploie aussi de la production d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) en milieu urbain. C’est le cas pour la production de chaleur, en utilisant par exemple l’énergie issue de la valorisation des déchets. Depuis 2009, avec le Fonds chaleur, l’ADEME a attribué 3,68 milliards d’euros d’aides ayant permis de financer plus de 12 milliards d’euros d’investissements dans les territoires, soit 7 145 installations en biomasse, réseaux de chaleur, solaire thermique, géothermie, méthanisation, etc., qui produiront plus de 42 TWh de chaleur EnR&R chaque année. Tous les territoires sont donc mis à contribution en fonction de leurs particularités et peuvent à leur tour devenir producteurs d’EnR.