FRANÇOIS SAUVADET
président du département de
la Côte d’Or et de l’assemblée
des Départements de France.
— Pourquoi voulez-vous faire des départements des acteurs essentiels de la gestion de l’eau ?
François Sauvadet : De longue date, les départements sont les premiers financeurs de l’eau, aux côtés des agences de l’eau et au bénéfice des communes, intercommunalités et syndicats des eaux, compétents en la matière. Ils financent des projets d’interconnexion d’eau portés par les collectivités pour sécuriser l’approvisionnement, soutiennent les stations d’épuration, assurent les analyses d’eau, grâce au travail des équipes des laboratoires départementaux. Ils financent également les projets de retenue d’eau ou de récupérateurs d’eau de pluie à usage agricole portés par les exploitants. L’organisation en bassin des agences de l’eau est pertinente pour la gestion du grand cycle de l’eau, mais les agences ne peuvent coordonner, à l’échelle de leurs territoires, les investissements et la gestion rapprochée des besoins en matière d’eau potable. Aussi, les départements sont les seuls capables de mettre en place des solutions durables, à leur juste échelle. L’expertise historique des départements et l’ingénierie afférente sont d’ailleurs précieuses pour les communes et intercommunalités afin d’assumer leurs propres missions de gestion de la ressource. Et les communes, intercommunalités et syndicats des eaux font appel au soutien financier des départements pour réaliser des investissements qui excèdent généralement leurs capacités budgétaires, notamment en secteur rural.
— Il y a selon vous un obstacle juridique ?
F.S. : Trop souvent, les départements sont en effet empêchés d’agir. En l’état actuel du droit, seuls les communes, les syndicats compétents en matière d’eau potable et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) auxquels cette compétence a été transférée ont la possibilité d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux pour produire et distribuer l’eau potable. À titre d’exemple, en Côte-d’Or, le département est propriétaire d’une ressource en eau. On m’autorise à produire de l’eau brute, mais pas de l’eau potable. Cela n’a aucun sens ! Fort heureusement, dans l’intérêt général, les lignes bougent enfin car le gouvernement a entendu nos revendications, et les départements devraient retrouver une place centrale dans la gestion de l’eau dans les mois à venir.
— Que pensez-vous du Plan eau ?
F.S. : Les premières annonces vont dans le bon sens, car l’intervention des départements sera facilitée pour exercer notamment la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux nécessaires à la mise en œuvre d’un schéma départemental de l’eau dans les domaines de la production d’eau potable, de la création ou de l’aménagement de réserves d’eau ou d’interconnexion de réseaux, dès lors que ces travaux excèdent le périmètre d’un syndicat ou d’une intercommunalité à fiscalité propre compétent en matière d’eau. Il ne s’agit pas de revendiquer une nouvelle compétence ni de substituer le département aux autres collectivités en matière de distribution d’eau potable. C’est une réponse pratique aux défis d’une utilisation sobre et raisonnée des ressources en eau. L’urgence climatique nous oblige à la responsabilité, à l’efficacité. On ne peut se diriger, faute de modèle économique, sorti des zones denses, vers un prix de l’eau qui se stabilise en ville et explose à la campagne. La solution, c’est le chef de filât. Le chef de l’État l’a très bien compris, en levant les verrous administratifs et, selon son expression, en misant sur l’intelligence territoriale. Car les départements doivent pouvoir piloter des projets de réfection et
d’interconnexion des réseaux pour éviter que des communes ne se retrouvent à sec !