— La création de centres publics de santé semble avoir le vent en poupe. Constate-t-on un emballement récent ?
Hélène Colombani : oui, un virage qui date d’un peu moins de dix ans, avec un réel accroissement de la création de centres de santé. D’une part, on sort du giron de la gauche, parce que les élus sont confrontés à une population qui monte au créneau — l’État n’organise rien et laisse des praticiens libéraux agir en fonction de leurs besoins personnels, sans considération pour ceux des territoires. D’autre part, les centres de santé étaient très concentrés en Île-de-France. Or aujourd’hui, on sort de la petite couronne parisienne, même si la région demeure celle qui en compte le plus. La croissance est importante, notamment en Nouvelle -Aquitaine. Nous en avons pris conscience et la Fédération réorganise sa gouvernance en faisant place aux régions, avec des référents régionaux.
— La préférence marquée des généralistes pour un exercice salarié et collégial est-elle une réalité ?
H.C. : C’est un élément qui pousse à la création de centres. Les professionnels veulent exercer sans être astreints à des charges administratives et souhaitent s’intégrer dans des structures. Ils peuvent travailler sur la prévention, notamment. Les généralistes d’aujourd’hui sont mieux formés, avec une approche globale du patient, et ont donc envie de trouver un cadre pour l’exercer.
— Les centres peuvent-ils être une panacée pour lutter contre la désertification médicale ?
H.C. : Oui, c’est un atout. Il faut arrêter de partir des besoins des professionnels, et partir plutôt de ceux de la population. Il faut un maillage territorial qui les prenne en compte. Il faut des unités de premier recours de proximité, quitte à élargir l’aire pour les spécialistes. À court terme, il n’y aura pas assez de médecins. Il n’y a pas de compétition. On ne peut plus réfléchir selon la médecine d’avant.
— À quelle échelle de population ou de bassin de vie la création d’un centre de santé est-elle pertinente ?
H.C. : Je dirai que 10 000 habitants, c’est bien, et un peu compliqué au-dessous. Il faut donc parfois raisonner en termes d’intercommunalité. Sachant qu’il faut au moins deux médecins, il faut trouver les ressources pour une activité.
— À quelles conditions les centres de santé, à défaut d’être rentables, peuvent-ils être d’un coût nul pour une collectivité ?
H.C. : C’est compliqué. Pour les centres que nous accompagnons, nous avons créé la Fabrique. Il s’agit d’une assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la mise en place d’un projet. Nous évaluons les besoins en médecins, sages-femmes, spécialistes, infirmiers. Avec trois médecins, on arrive à l’équilibre en trois ans. Si l’on y ajoute des paramédicaux, c’est un peu plus compliqué. Mais les élus décident en fonction de ce dont ils sont porteurs. Nous proposons une structure de base. Si l’on veut y ajouter des prestations de prévention, des médiateurs de santé, voire un interprétariat, il faudra aller chercher les aides qui existent.