S’il fallait un parangon de l’économie sociale et solidaire, c’est à l’extrémité sud des Landes qu’il se trouve. À Tarnos, tout est parti en 1965 de la fermeture des Forges de l’Adour qui a renvoyé 1 200 ouvriers dans leurs foyers. Si la moitié d’entre eux a retrouvé du travail chez Turboméca, devenu Safran, le choc a été rude. Il a provoqué une réflexion d’autant plus nécessaire que, dans les années 1980, ce sont les usines d’engrais qui ont mis la clé sous la porte. Jean-André Maye, ancien syndicaliste et maire de l’époque, a impliqué la municipalité dans la création d’un foyer de jeunes travailleurs et d’un comité local de l’emploi. Une structure que Pierrette Fontenas, qui lui a succédé, a élargie aux huit communes du Seignanx avec la création du Comité de Bassin de l’Emploi (CBE), qui regroupe des élus, des chefs d’entreprise, des syndicats et des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
5 000 repas par jour
Un héritage que Jean-Marc Lespade, élu maire en 2004, a fait prospérer. À commencer par Éole, une entreprise de restauration collective, née sous la forme d’une SCIC en 2006. Sa cinquantaine de salariés — dont quatorze en insertion professionnelle — livre 5 000 repas par jour, tant à la centaine de salariés de Safran qui fréquentent son restaurant que par portage à domicile ou aux écoles. Y compris celles de la ville voisine de Bayonne, dont Éole a emporté l’appel d’offres face aux entreprises privées. « Nous avons donné la preuve que nous pouvions concurrencer le secteur marchand », se réjouit Jean-Marc Lespade.
La réussite d’Éole — qui a suscité des répliques dans d’autres villes de France — n’est pas isolée : d’autres SCIC ont été lancées avec succès dans la foulée. Parmi elles, le centre PERF, qui forme un millier de personnes par an au commerce, à l’écohabitat ou à la fibre optique. S’y ajoute l’espace technologique Jean Bertin, soit une centaine d’hectares dédiés aux entreprises de l’aéronautique et environnementales et à leurs salariés, sous couvert de la SCIC qu’est le CBE du Seignanx.
Au décompte, l’économie sociale et solidaire telle qu’elle s’est développée autour de Tarnos affiche 23 structures, plus de 400 salariés, associe 400 entreprises et dégage 35 millions d’euros de valeur. Ce qui amène Jean- Marc Lestrade, maire d’une ville indéfectiblement communiste depuis 1920, à s’interroger en souriant sur la croyance persistante que de telles organisations ne peuvent trouver leur place dans une société capitaliste.