Le décor est celui d’une ville de 136 000 habitants aux contours insaisissables. Désertée, comme d’autres de la région, par l’industrie textile dans les années 1960, avant que la fusion des régions Nord–Pas-de-Calais et Picardie dont elle était capitale lui ôte son cadre administratif. Les entrepôts de logistique se sont substitués aux usines et ont avalé des terres agricoles sans que la ville perde un dynamisme imputable pour une grande partie à ses quelque 27 000 étudiants des pôles universitaires ou des grandes écoles et, accessoirement, des télétravailleurs exilés de Paris.
FAB LAB, LICORNE ET SOLIDARITÉ
Un bureau d’études industrielles y est né en 2011, qui a mué en 2014 sous couvert d’une association de loi 1901 : c’était l’ébauche de ce qui deviendra La Machinerie. « Cela a été une démarche citoyenne », résume Ateff Alrabee, responsable de la recherche et du développement, pour expliquer ce qui est devenu un « tiers lieu » planté au cœur d’Amiens, à deux pas de la gare. Dans un premier temps, Sébastien Personne, à l’origine du bureau d’études, a ouvert ses portes au public le week-end et mis à disposition du public une découpeuse laser et une imprimante laser, entre autres matériels a priori inabordables.
Des 18 m² qu’il occupait aux origines, le concept a évolué vers une formule plus ambitieuse qui ne s’est pas départie du principe de base qui se voulait social et solidaire. Le lieu qui s’étend aujourd’hui sur 1 000 m² combine deux démarches. « Il y a une partie fab lab qui permet un accès du grand public à la technologie, et une autre activité qui tient de l’hybridation du modèle économique », explique Sébastien Personne. La Machinerie combine ainsi la location d’un espace collaboratif sur lequel cohabitent des télétravailleurs, une antenne des Petits Frères des Pauvres et Ynsect, une future « licorne » française, autrement dit une jeune pousse industrielle pesant son milliard de dollars. Côté fab lab, des scolaires de 8 ans côtoient des aînés plutôt diplômés ou des étudiants des facultés d’art et design. Et ce moyennant une cotisation annuelle de 15 euros.
Si le Fonds européen de développement régional (Feder) est intervenu, si la métropole d’Amiens assure 10 % de subvention, l’essentiel des 600 000 euros du budget est issu des locations de l’espace collaboratif et des prestations pour le compte d’entreprises.