par Pierre MAGNETTO
AU SOMMAIRE DE CE DOSSIER
Territoires zéro chômeur, une expérimentation qui fait ses preuves (ci-dessous)
À Lodève, l’abeille verte décolle en trombe
Le Teil, une opportunité sans précédent !
Pau, des dynamiques de territoire
Vannes, « pas une fin en soi »
Au départ, c’était un projet porté par ATD Quart Monde avec le Secours Catholique, Emmaüs France, Le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité. L’idée paraissait simple : si on affectait les dépenses publiques directes et induites par chaque demandeur d’emploi longue durée à son recrutement, on pourrait financer environ 90 % d’un SMIC brut. C’est ainsi qu’est née l’association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), dans le but d’expérimenter le dispositif localement. C’était en 2016, et à ce jour, 47 territoires sont entrés en expérimentation, 143 frappent à la porte et 1 809 CDI ont été créés. Pour en arriver là, il a fallu légiférer. C’est Laurent Grandguillaume, alors député de la Côte-d’Or, qui a porté la proposition de loi dans l’hémicycle où elle fut
adoptée à l’unanimité.
Sa mise en œuvre repose sur le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD) présidé par Louis Gallois, haut fonctionnaire et ancien patron de grandes entreprises publiques. Sa mission, outre l’apport des financements, est d’évaluer les projets de candidature soumis par les territoires, d’accorder les habilitations, de veiller au respect des règles régissant le dispositif. De son côté, l’association TZCLD joue un rôle de promoteur du dispositif, accompagne et conseille les communes et communautés portant les projets et propose des formations aux élus et aux agents des collectivités territoriales.
Le rôle rassembleur des maires sur les territoires
Rentrer dans le processus requiert une véritable volonté politique de la part des élus locaux. S’ils sont parfois poussés par leurs concitoyens, c’est à eux que revient de toute façon le leadership. Tous les projets sont portés par des communes, en partenariat et en collaboration avec leur communauté, agglomération, métropole, département, région… mais c’est la commune qui est porteuse. L’entrée dans l’expérimentation va se traduire par l’arrivée sur le territoire d’un nouvel acteur économique qui devra trouver sa place sans faire de l’ombre aux acteurs déjà présents. Il s’agit de créer des activités non concurrentielles avec l’existant, mais complémentaires au tissu local. Un consensus doit se dégager entre le plus grand nombre possible d’acteurs de l’emploi : structures d’insertion par l’économie, Pôle emploi, le conseil départemental, les artisans, commerçants, chefs d’entreprise et leurs organisations, les organisations des salariés… Ensemble, ils vont former le Comité Local pour l’Emploi (CLE). Ses principales prérogatives consistent à identifier les personnes éligibles sur le territoire, et à autoriser ou non les activités qui vont être développées.
C’est à l’Entreprise à But d’Emploi (EBE) que revient la dimension opérationnelle. Structure de l’économie sociale et solidaire, et donc à but non lucratif, elle identifie les segments d’activités sur lesquels elle peut se
positionner et recrute les salariés. L’argent versé par le fonds d’expérimentation couvre une grosse part des salaires, mais un complément est nécessaire pour en payer la totalité et régler les frais de structure. Les produits et services fournis par les salariés des EBE génèrent les recettes nécessaires.
Une troisième loi
Les dix premières habilitations ont été accordées après la loi de 2016. Une seconde loi a permis de relancer le dispositif en 2016 pour 60 EBE au maximum ; elle est toujours en cours. Sachant que les habilitations sont accordées pour cinq ans, l’association TZCLD demande aujourd’hui un troisième paquet législatif qui permettra de pérenniser le dispositif sans limites de durée et de l’ouvrir à davantage de territoires sans limitation de nombre.
3 questions à LAURENT GRANDGUILLAUME
« L’engagement est plus évident sur les solidarités »
— Quel bilan d’étape faites-vous des premières expérimentations ?
L.G. : On voit que le niveau de chiffres d’affaires augmente dans les EBE. Elles continuent d’embaucher parce qu’il reste beaucoup de personnes privées durablement d’emploi dans les territoires. Il y a donc une montée en puissance et c’est une réussite.
— Qu’est-ce qu’un bon dossier de candidature ?
L.G. : C’est un dossier où il y a un consensus local. Où les personnes privées durablement d’emploi ont été identifiées dans leur diversité sur le territoire et sont associées à l’élaboration du projet avec les acteurs locaux. C’est aussi un projet où il y a une ambition forte de développement d’activités non concurrentielles et complémentaires du tissu local. C’est aussi un dossier dans lequel il est prévu la montée en compétence des personnes par la formation, le management inclusif, ainsi qu’une bonne coordination entre le CLE et l’EBE.
— En quoi la notion de territoire est-elle novatrice ?
L.G. : Les politiques de l’emploi en France sont macro-économiques, ça vient d’en haut et ça s’applique de manière homogène sur les territoires. La force du projet, c’est que ce sont les acteurs du territoire — privés, publics, associatifs… — qui définissent ensemble avec les personnes privées durablement d’emploi
les activités qu’il faut développer et quel est le territoire pertinent. C’est ça qui est intéressant, car ça correspond forcément à un besoin.