Propos recueillis par Frédéric DURAND
— La revanche des villes moyennes, pour vous, c’est une réalité ?
Christophe Guilluy : J’ai un problème avec le mot revanche, qui sonne comme un slogan de communication. Déjà, au moment de la Covid, on a valorisé dans la presse la revanche des territoires, la revanche des villes moyennes, la revanche des petites villes, la revanche des zones rurales… Si on parle de revanche, c’est parce que même ceux qui ont porté la métropolisation sont en train de comprendre que ce modèle est en train de capoter. Une alternative se dessine. Je suis persuadé
depuis des années que les territoires d’avenir sont ceux de la France périphérique : intéressons-nous aux autres territoires qui ne sont pas portés par le modèle néo-libéral. Toutefois, attention à ne pas s’en tenir à la com et aux discours d’accompagnement. C’est l’idée du gouvernement quand il lance les opérations
« Action Cœur de Ville » ou « Petites villes de demain » après le mouvement des Gilets jaunes, pour dire « Je vous ai compris ». Mais ça pèse combien ? « Action Cœur de Ville », c’est 10 milliards pour 234 villes, quand le Grand Paris, c’est 40 milliards.
— Vous défendez l’idée que tout est déjà sur le territoire pour assurer son développement…
C.G. : On voit toute une communication d’attractivité territoriale de la part des villes de province dans les métros des grandes villes, qui ne s’adresse qu’aux habitants de ces métropoles, aux cadres supérieurs, qui doivent prétendument sauver la France en dynamisant les territoires. Les autres habitants, les locaux, les classes populaires, n’existent pas dans ce modèle ! Et pourquoi ? En fait, le développement proposé consiste à diffuser le modèle métropolitain à l’ensemble des territoires avec un risque de dépossession et d’uniformisation des lieux.
« Il existe un risque de dépossession et d’uniformisation des lieux »
Les métropoles sont aujourd’hui toutes les mêmes, avec les mêmes commerces,
les mêmes habitants, les mêmes lieux culturels, les mêmes modèles de smart cities. Tout ira bien quand un maire de ville moyenne ne cherchera plus à baptiser
sa ville « métropole », mais « ville durable, socialement, écologiquement et culturellement ».
— Donc pour vous, le modèle métropolitain n’a pas vocation à s’étendre…
C.G. : Non. C’est quoi, la ville idéale ? C’est la ville moyenne : entre 40 000 et 50 000 habitants maximum qui peut être durable socialement si on crée un environnement économique favorable. Cela nécessite de réindustrialiser, d’attirer des compétences artisanales, de relier la ville au monde paysan, de mettre en avant l’identité locale et de ne pas plaquer les mêmes aménagements, les mêmes
rues piétonnes partout. C’est l’anti-métropole en quelque sorte, puisque la métropole n’a plus d’industrie, affiche une empreinte carbone délirante, n’a pas d’autonomie alimentaire et connaît une envolée des inégalités.