DÉBAT

Un sursaut pour l’école et la République

La rédaction
La rédaction
Publié le 24 octobre 2022
Face à la crise éducative, il est urgent d’ouvrir le débat sur notre système. Injuste socialement, il aggrave les inégalités tout en faisant baisser le niveau d’exigence.
Élie Picard
Normalien et chercheur en économie.
Victor Barel
Normalien et agrégé de sciences économiques et sociales.

Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation. » La célèbre formule de Michelet devrait tenir lieu de devise face à la crise éducative qui frappe notre pays. Alors que tout le monde s’accorde désormais à en reconnaître la gravité, nous déplorons qu’elle ne fasse pas l’objet d’un traitement à la hauteur de l’enjeu. Pire encore, la récente réforme du baccalauréat semble avoir conduit à une aggravation de la situation. De fait, cette crise doit être envisagée comme la conjugaison de trois grands maux, qui s’entretiennent mutuellement pour former un véritable cercle vicieux.

D’abord, les différents indicateurs disponibles convergent dans le sens d’un affaiblissement général des résultats des élèves français, en particulier dans les compétences fondamentales. Si la crise sanitaire et les conditions dégradées d’enseignement ont probablement accentué cette tendance, elle les précède largement. Déjà en 2019, le classement TIMSS montrait que les élèves avaient perdu un an d’acquisition scolaire en mathématiques en deux décennies, les élèves de 4e ne dépassant pas le niveau des élèves de 5e de 1995.

« Donner aux élèves les moyens de réussir tout en réhaussant les exigences du système scolaire, trop souvent  revues à la baisse. »

Ensuite, les fortes inégalités qui caractérisent l’école française signent la faillite de la promesse d’égalité républicaine. En plus du lien bien connu entre origine socio-économique et niveau scolaire, la ségrégation scolaire s’est renforcée ces dernières années en prenant la forme d’une ségrégation sociale ou ethnique, du fait d’un contournement de plus en plus fréquent de la carte scolaire, que ce soit par le biais de dérogations permettant de rejoindre un autre établissement public que celui du secteur, ou par l’inscription dans un établissement privé. Le tout alors même que de récents travaux suggèrent qu’une plus grande mixité sociale, au sein de chaque classe, a des effets positifs sur les résultats des élèves, en particulier pour les plus faibles d’entre eux. Enfin, la chute drastique du nombre de candidats aux concours de l’Éducation nationale est le dernier indicateur en date du malaise des enseignants, dû à la fois à une faible rémunération, à des conditions de travail dégradées, et au sentiment d’un manque de reconnaissance de la part de l’institution comme de la société en général. Là encore, difficile d’imaginer que la chute du nombre de candidats aux concours d’enseignement ne conduise pas, à terme, à un recrutement de moins bonne qualité, et donc à un effet négatif sur le niveau des élèves. Forts de ce constat, nous plaidons en faveur d’une politique prenant l’exact contrepied à la fois des mesures du précédent quinquennat, et des orientations récemment formulées autour d’une autonomisation accrue des établissements.

 Pour lutter contre l’affaiblissement des compétences des élèves, il convient de donner à ces derniers les moyens de réussir tout en rehaussant les exigences du système scolaire, qui ont trop souvent été revues à la baisse ces dernières années. Le niveau à la sortie de l’école primaire étant le principal déterminant de la réussite à long terme, il faut d’abord aligner la dépense par élève en primaire, largement déficitaire en France, sur la moyenne de l’OCDE. De plus, l’une des corrélations les plus évidentes en matière scolaire est celle entre le temps passé à l’école et les résultats des élèves. Elle n’est d’ailleurs pas homogène, dans la mesure où ce sont les enfants les plus défavorisés qui souffrent le plus du manque d’école pendant une durée prolongée. Or, la France fait partie des pays développés où les vacances scolaires sont les plus longues, avec plus de seize semaines par an. Nous proposons de réduire leur durée annuelle à douze semaines, comme en Allemagne ou en Finlande, en supprimant une semaine à Toussaint, à Pâques, et au début et à la fin des vacances d’été. Enfin, la suppression de fait du bac général et technologique apparaît particulièrement contre-productive, alors que les études internationales montrent qu’être soumis à un examen final a un effet largement positif sur les résultats des élèves, sans parler ni des nouvelles inégalités générées par un bac « à la carte », ni des nouvelles pressions auxquelles sont assujettis les professeurs, désormais seuls évaluateurs de leurs élèves. Le bac doit donc être rétabli sous son ancienne forme, avec un véritable objectif d’entrée dans le supérieur, afin d’éviter de reporter l’échec lors des premières années de licence.

« Une plus grande mixité sociale a des effets positifs sur les résultats des élèves, en particulier pour les plus faibles d’entre eux. »

Quotas de mixité

Pour combattre vraiment les inégalités scolaires, nous proposons que des quotas de mixité sociale soient institués dans les établissements du secondaire, caractérisés par un écart marqué à la composition sociale de leur bassin géographique de recrutement. La carte scolaire serait ainsi remplacée par des procédures de choix scolaires régulés, où la distance à l’établissement ne serait plus l’unique critère, comme expérimenté à Paris avec les secteurs « multicollèges ». Un véritable renouveau du système scolaire français ne peut, enfin, se faire sans renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, et lui redonner du sens. En plus de la revalorisation générale annoncée pour les enseignants débutants, des mesures plus ciblées pourraient être prises, à la fois pour les disciplines en tension de recrutement, et pour les zones les plus difficiles, où un logement de fonction dans le parc social de la commune de l’établissement pourrait être proposé. Au-delà de l’aspect strictement financier, les enseignants doivent être mieux accompagnés. En début de carrière d’abord, où nous proposons d’allonger la durée du stage de un à trois ans, avec une montée en charge progressive du temps passé devant les élèves, mais sans perte de salaire, et en assurant la titularisation à l’issue de la première année, pour mettre un terme au « bizutage institutionnel » subi par les enseignants en début de carrière. Enfin, un tutorat prolongé et des inspections plus fréquentes feraient évoluer les évaluations vers un véritable accompagnement.

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