Depuis 2016, l’association Locaux-Moteurs collabore avec le conseil départemental du Maine-et-Loire et différentes collectivités locales dans le cadre des opérations programmées de l’habitat, pour que le public rural précaire sollicite davantage les aides auxquelles il a droit pour un habitat digne.
Leur projet se base sur la plus grande des proximités avec le public en zone rurale : directement à leur domicile. Et pour faire passer le message, ce ne sont pas des agents ou des experts qui viennent toquer à la porte, mais d’autres habitants. Ce sont eux qu’on nomme les “locaux-moteurs”.
Une initiative qui leur a valu de recevoir le Dauphin de la proximité, le 15 mars dernier, lors du Prix l’innovation rurale organisé par l’université Paris-Dauphine et présidé par Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France.
Un dialogue de pair à pair
“La porte s’ouvre justement parce que ce sont des habitants. On observe une grande défiance, donc c’est important d’amorcer une discussion, pas institutionnelle mais centrée sur la situation de la personne », observe la fondatrice de l’association (en photo ci-dessus entourée d’Evelyne Baillif et de Bénédicte Michaud-Metegot des Locaux-moteurs, avec en main leur Prix de l’innovation rurale).
Selon elle, le non-recours ne serait pas dû à un manque d’information, mais par “peur de la stigmatisation, de la complexité des démarches renforcée par la dématérialisation, ou avec le sentiment que ces aides sont réservées à des plus pauvres qu’eux. C’est difficile d’admettre qu’on n’arrive plus à se chauffer” poursuit celle pour qui la solution est donc le dialogue de pair à pair.
Concrètement, des binômes de locaux-moteurs deviennent le temps de l’opération salariés de l’association sur la base d’un contrat d’une dizaine d’heures par mois. Ils sont sélectionnés “en raison de leur connaissance du territoire et de leur ancrage local, leurs motivations à soutenir les autres, leur capacité à entrer en relation, à dialoguer. Ils n’ont nul besoin d’avoir des compétences techniques particulières”, peut-on lire sur le site de l’association.
“Par exemple, on a des Atsem ou des aides à domicile qui ainsi complètent leur emploi à temps partiel. Ou encore de jeunes retraités. Ils veulent se rendre utiles, donc il n’est pas rare qu’ils soient par ailleurs bénévoles caritatifs. Parfois eux-mêmes ont dû faire des rénovations dans leur logement donc peuvent témoigner”, complète Claudine Pézeril.
Après une formation de deux jours sur l’habitat et les aides à la rénovation, les locaux-moteurs se voient attribuer un lot d’adresses à visiter par mois : des maisons en zone rurale (centre-bourgs et hameaux), construites avant 1980 (identifiées via le cadastre, pour leur mauvaise isolation).
“Les locaux-moteurs dialoguent avec les ménages sur leurs besoins, les écoutent avec bienveillance, les informent des services et des dispositifs d’aide”, puis transmettent leur dossier à l’opérateur habitat local, qui vient ensuite pour établir un diagnostic technique et un plan de financement. “Parfois, après cela le ménage se décourage, donc il arrive que le locaux-moteur se rende de nouveau au domicile pour les encourager et les accompagner”, ajoute-t-elle.
Actuellement, cinq binômes ou trinômes de locaux-moteurs sont actifs, dans des communes du Maine-et-Loire et du Finistère. L’association chiffre que “8 portes sur 10 s’ouvrent au passage des locaux-moteurs. 2 000 foyers ont été rencontrés entre 2016 et 2020. 22% des ménages intègrent un programme habitat dès le premier passage d’un locaux-moteur. 78 % des ménages rencontrés sont en situation de ressources très modestes, (selon les critères de l’Anah)”.
Un modèle pour d’autres politiques sociales
L’habitat indigne est le premier domaine d’intervention de Locaux-moteurs, mais l’ADN de l’association, c’est la lutte contre le non-recours* aux droits, souligne Claudine Pézeril : “Le non-recours*, il est partout ! On a démarré par l’habitat parce que c’est central dans la vie des gens et qu’on avait une expertise en interne, mais notre démarche pourrait être dupliquée dans tellement d’autres domaines…”
L’association est en cours de réflexion afin que des locaux-moteurs puissent aller toquer aux portes pour aborder les aides en santé, pour le vieillissement, les prestations sociales, la mobilité, etc. Reste à trouver comment les financer, leurs actions actuelles s’insérant dans les plans de financement des opérations habitat des collectivités (Opah, Opah-RU, PIG).