La technologie peut tout, disent les ingénieurs. Encore faut-il qu’il y ait des possibilités économiques, répondent les investisseurs. L’histoire moderne est riche de ces innovations techniques qui sont mort-nées devant l’incapacité à leur trouver une existence industrielle et une cohérence économique.
On se souvient du Minitel, du Concorde, deux avatars inaboutis du célèbre «esprit pionnier» tricolore. On se souvient, plus récemment, des rodomontades politiciennes annonçant l’émergence d’un «Airbus des batteries» pour soutenir la voiture électrique en Europe.
Le court-termisme des politiques industrielles française et européenne n’a pas souvent permis la mise en place de filières compétitives. En sera-t-il différemment pour l’hydrogène vert fabriqué par électrolyse, dont la France veut être le leader mondial ?
Dès 2018, le plan Hulot constatait que « la France possède une avance technique reconnue par les industriels sur cette technologie dont il faut maintenant accélérer la montée en puissance pour disposer d’une avance compétitive. »
Implanter de grandes usines d’électrolyseurs
Redoutant que l’hydrogène reste un vecteur énergétique très cher en 2050 (au-delà de 100 euros par kilowattheure), François Dassa, directeur de la Mission prospective d’EDF, s’interroge : « Pour le rendre compétitif, il faudra diviser par quatre le prix des électrolyseurs. Où seront-ils fabriqués ? Sur place, en acceptant un surcoût, ou bien ailleurs ? »
Le spectre des fameux panneaux photovoltaïques qui, aux premières heures de l’énergie solaire, devaient aussi constituer un « Airbus » européen avant de devenir un quasi-monopole chinois à force de dumping, hante les esprits au moment d’initier une politique de « gigafactories », le nom donné aux grandes usines d’électrolyseurs que l’on souhaite implanter dans les territoires.
L’objectif plusieurs fois répété est la création de cinq gigafactories et la création de 50 000 à 100 000 emplois.
Déjà, la société française McPhy, qui fabrique des électrolyseurs et des stations de recharge, a choisi Belfort pour ouvrir sa gigafactory, tandis que le groupe belge John Cockerill a annoncé l’ouverture d’une usine en Alsace pour la construction d’électrolyseurs d’un gigawatt. Le premier pourrait être produit dès 2025.
Le projet de la petite société Areva H2Gen est moins avancé, mais c’est en alimentant les petits ruisseaux qu’on abonde fleuves et rivières. Ainsi, la start-up Genvia, une soixantaine de salariés à Béziers, vient-elle de recevoir 200 millions d’euros publics pour développer une technique d’électrolyseurs à haute température censés avoir un rendement très supérieur aux électrolyseurs alcalins actuels.
Le président Macron en personne s’est déplacé en octobre pour encourager cette «pépite d’avenir», car, a-t-il dit, « la bataille de l’hydrogène, c’est une bataille pour l’écologie, pour l’emploi, pour la souveraineté de notre pays. » L’objectif plusieurs fois répété est la création de cinq gigafactories et la création de 50 000 à 100 000 emplois.
Des incertitudes persistent sur l’industrialisation
Née d’un mariage entre le groupe pétrolier Schlumberger et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Genvia est symptomatique d’un mouvement en cours dans l’univers de l’hydrogène. L’entreprise a déjà noué des contrats avec de possibles utilisateurs comme Vinci et Vicat (cimenterie), ArcelorMittal (sidérurgie), mais aussi EDF pour un éventuel couplage avec les futurs SMR (petits réacteurs modulables) nucléaires.