Le temps du consensus sur l’éolien est derrière nous. La concentration des implantations défigure les paysages pour les uns, met en danger les oiseaux sur leur parcours migratoire pour les autres. L’un des grands espoirs du renouvelable est-il en train de s’effondrer ?
La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), publiée en 2020, prévoit le doublement du parc éolien terrestre en France dans les quinze ans : soit environ 15 000 éoliennes terrestres en 2035. S’y ajouterait d’ici à 2050, selon les desseins de la Commission européenne, un parc offshore de 7 100 machines le long du littoral français. Des objectifs ambitieux destinés à rattraper en partie le retard de la France par rapport à ses voisins européens, notamment l’Allemagne où 15 000 éoliennes terrestres tournent et produisent déjà.
Des éoliennes oui, mais loin de chez moi…
Malheureusement, ce coup d’accélérateur est donné à un moment où, comme l’a reconnu Emmanuel Macron en janvier dernier, « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays. »
Si près de 94 % des Français se disent favorables aux énergies renouvelables, seulement 45 % sont prêts à accueillir un parc d’éoliennes à moins d’un kilomètre de chez eux, selon un sondage OpinionWay en 2020. Près de 70 % des projets font l’objet de recours juridiques, surtout dans les régions déjà très hérissées de pales comme les Hauts-de-France, le Grand Est et l’Occitanie où sont concentrés 65 % des quelque 8 000 éoliennes du pays.
Un sentiment de saturation
« Certains territoires sont littéralement saturés », a ainsi écrit la Région dans une lettre-pétition aux préfets, énumérant « les nuisances sonores et visuelles, la dégradation des sols, l’impact négatif à l’attractivité touristique, les dégâts à la faune et à la flore, la dépréciation immobilière des zones concernées », etc.
Certes, la croisade anti-éoliennes du président nordiste, Xavier Bertrand, mais aussi de Valérie Pécresse et de nombreux élus locaux Les Républicains (LR) pronucléaires n’est pas exempte d’arrière-pensée politique. Néanmoins, les oppositions locales se multiplient, généralement fondées sur des considérations environnementales ou socio-économiques que les préfets et les tribunaux retiennent de plus en plus souvent par des refus d’autorisation, voire des demandes de démantèlement.
Un impact sur les délais
À propos de ces projets éoliens contestés, le président de la République estimait fin juillet que « là où ils créent trop de tension, dénaturent et défigurent le paysage, il faut savoir ou les adapter ou y renoncer. »
Qu’ils aboutissent ou non, ces recours retardent le développement de la filière — la durée moyenne de création d’un parc est de sept ans. Entre l’appel d’offres et la livraison.
Les riverains davantage convaincus
Pour Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), le taux de recours n’est pas significatif du pouls de l’opinion. Il compte s’appuyer sur l’étude récemment publiée du ministère de la Transition énergétique pour montrer « la vraie acceptabilité » de l’éolien. « Chez les riverains, elle est supérieure à la moyenne nationale », estime-t-il, précisant au passage que les éoliennes sont souvent plébiscitées par les petites communes dont le budget s’en trouve considérablement dopé.
« Une pédagogie à faire »
Selon le SER, les craintes avancées par les défenseurs des paysages, de la biodiversité, de l’agriculture, de la pêche et autres lobbies sont loin d’être confirmées dans la réalité.
« Il y a une pédagogie à faire sur les développements économiques et sociaux des renouvelables, contre-attaque M. Bal. Nous créons beaucoup d’emplois mais ils sont peu visibles car disséminés sur le territoire national. »
Reste à trouver le foncier
Au-delà de l’acceptabilité des sites par les citoyens, « le principal phénomène qui pèse sur le secteur est celui du foncier », analyse l’Observatoire des énergies. Le respect des règles concernant les couloirs aériens, les radars militaires et les sites protégés interdit de facto près de la moitié du territoire aux projets éoliens.
À défaut de trouver des terrains, les développeurs se voient contraints de lancer des chantiers de « repowering » qui consistent à remplacer des éoliennes existantes par de nouvelles plus puissantes. On est loin de la marche forcée vers l’énergie renouvelable que claironne la PPE !