Il était le maire de la ville la plus pauvre de France. Le 14 septembre dernier, Philippe Rio est devenu le meilleur maire du monde, honoré pour son action contre le Covid-19 et sa lutte contre l’exclusion. Arrivé enfant à la Grande Borne, il a trouvé dans les rangs communistes et chez les militants catholiques le goût du collectif et de la solidarité, avant que son investissement d’élu et de maire ne lui confère celui de la concertation et de l’action pour transformer sa ville. Dans sa trajectoire, la colère et la proposition s’entremêlent étroitement, avec pour fil conducteur le développement de Grigny.
par Marie-Pierre VIEU
Un rayon de soleil s’attarde sur le livre de Xavier de Jarcy Les Abandonnés posé sur le coin de la table par Philippe Rio. Une manière de signifier que sa désignation de meilleur maire du monde par la City Mayors Foundation (groupe de réflexion international et indépendant dédié aux questions urbaines) n’a fait que renforcer son combat continu contre la ségrégation sociale.
Certes, le quadragénaire ne boude pas son plaisir et la fenêtre médiatique qui lui est offerte. Mais moins pour lui que pour les Grignois. « Ce prix leur rend une dignité dont ils sont trop souvent privés », explique-t-il, visiblement ému.
Je suis un urgentiste de la République
De Grigny, le grand public connaît la Grande Borne et ses 3 500 logements érigés dans les années 1970 ou Grigny 2, seconde copropriété d’Europe qui accueille 17 000 personnes.
« Cet habitat nous a été imposé de manière autoritaire. Il a structuré la pauvreté », rappelle Patrice Rio avant de rajouter : « Si je dénonce cette pauvreté, c’est pour la dépasser. »
Les chiffres tiennent lieu de démonstration. En 2020, 45 % des 30 000 habitants de la ville, dont un tiers d’enfants, vivaient en dessous du seuil de pauvreté selon l’Observatoire des inégalités.
Avec la pandémie, ces données sont à réviser à la hausse et la précarité s’avère omniprésente :
– 50% des jeunes sortent de l’école sans diplôme, et 25% d’une classe d’âge accèdent au bac (contre 80% à l’échelle nationale),
– un taux de chômage double de la moyenne nationale,
– l’explosion des familles monoparentales,
– la stigmatisation quotidienne des populations.
« Grigny est une ville hors norme. À chaque instant il s’agit de trouver ce qui va faire République », reprend l’élu. « La crise, nous la gérons 24 h/24, ce qui explique sûrement notre réactivité face au Covid. »
Les résultats sont là :
– 106 000 masques distribués aux enfants et 158 000 aux adultes de la ville,
– la mise en place de 500 colis alimentaires livrés chaque semaine,
– 2 000 personnes âgées ou fragiles contactées quotidiennement par téléphone.
Puis avec le concours de l’État, la distribution de petits-déjeuners dans toutes les maternelles de la ville.