Par Benjamin MOREL et Antoine CARGOE
Taux d’abstention record aux élections régionales avec moins de 13% de participation pour les 18-24 ans, effervescence de causes qui s’expriment sur les réseaux sociaux, paupérisation accélérée, chacun ressent que se joue actuellement quelque chose de spécifique et déroutant quant au rapport que la jeunesse entretient avec la politique. Le cas français semble paradigmatique, mais nos voisins européens ont aussi connu des flux et reflux de mobilisation de la jeunesse. Tour d’horizon d’une question qui peut s’avérer décisive à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.
Génération sacrifiée », « Génération Y », « Génération Zemmour », « Génération climat », « millenials », « wokisme »… la multiplication dedénominations pour qualifier la jeunesse est probablement le symptôme le plus évident de la difficulté à comprendre l’évolution de la place des jeunes générations sur la scène publique. Ces dénominations diverses et variées traduisent aussi l’éclatement sociologique et politique d’une jeunesse de plus en plus marginalisée socialement. Sur la scène médiatique, on la ramène tantôt aux étudiants et aux mobilisations universitaires, tantôt au Rassemblement national, pour lequel les jeunes votent massivement. C’est dire si on a perdu la capacité à comprendre ce que les jeunesses de France ont à la fois de commun et de différent.
L’EUROPE DU SUD, LABORATOIRE PUIS CIMETIÈRE D’UN POPULISME PROGRESSISTE
Durant la dernière décennie, l’Europe du Sud a été secouée par nombre de mouvements contestataires. Les Indignés en Espagne, l’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce ou encore le Mouvement 5 Étoiles (M5S) ont donné forme aux aspirations de générations entières dont l’avenir a été hypothéqué à la suite de la crise financière de 2008 et de la crise des dettes souveraines de 2009-2012, aggravées par l’austérité budgétaire. Ces forces politiques, dans des registres différents, ont prospéré sur la frustration accumulée de jeunes diplômés dont l’avenir était bouché par la crise et de jeunes actifs laissés sur le carreau du marché de l’emploi. Quand plus de 40 % des 18-24 ans votaient pour Podemos en 2015, 80% des jeunes Grecs votaient « Non » au référendum convoqué par Alexis Tsipras le 5 juillet de la même année. Le M5S, quant à lui, a bénéficié du soutien d’un jeune sur deux en 2018. Mais ce cycle s’est refermé à la suite de déconvenues électorales (Podemos et Syriza en 2019) ou d’effondrement dans les sondages (M5S à partir de 2019). Après l’ivresse de la conquête, cette jeunesse a trouvé une nouvelle place sur la scène publique d’Europe du Sud.