Face à une pandémie très active, face à un virus mutant à propos duquel les connaissances restent très partielles, bilans et classements n’ont certes pas grand sens. Certains gouvernements semblent pourtant avoir réussi mieux que d’autres à juguler la crise sanitaire et ses retombées économiques et sociales. Parmi les pays riches, la France affiche des indicateurs médiocres sur le plan de la mortalité (145 morts de la covid-19 pour 100000 habitants début avril (1) ). Les mesures restrictives (confinements, couvre-feu…) ont engendré une récession massive : le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 8,3% en 2020, contre 6,8% pour l’ensemble de la zone euro. 365000 emplois ont été détruits. Et selon les services sociaux et les associations caritatives, un million de personnes ont basculé dans la pauvreté. Qu’ils soient d’origine parlementaire ou émanant d’experts indépendants, de nombreux rapports ont pointé les ratés et les dysfonctionnements évitables qui ont émaillé la gestion de cette crise. Il y a ce que chacun a pu voir : le passage abrupt des discours lénifiants et autosatisfaits à la décision brutale du premier confinement, accompagnée de messages jouant sur la peur et la culpabilisation ; les pénuries de masques, de respirateurs ou de produits anesthésiants ; les hôpitaux au bord de l’implosion ; la mise en scène spectaculaire de l’arrivée du vaccin… et ses loupés ; la vie quotidienne et familiale mise au pas. Il y a ce que les élus locaux ont ressenti : l’absence d’écoute, le mépris des réalités de terrain, l’abandon, l’autoritarisme et l’arrogance d’un exécutif s’arrogeant tous les pouvoirs… Il y a ce qui se passait en coulisses et que des enquêtes ont progressivement révélé : luttes d’influence entre services de l’État, incapacité à collaborer et à se coordonner. Sait-on tirer les leçons des expériences passées ? Le risque de pandémie était depuis longtemps identifié. Fin 2004, après la menace du virusA (H5N1) d’origine aviaire, la France s’était dotée d’un Plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale, actualisé à plusieurs reprises jusqu’en 2009, puis suivi d’un nouveau Plan en 2011. Ce plan qui « attirait même déjà l’attention sur la dépendance de la France à l’égard de la Chine en matière de matériel de protection » (2) a pourtant été oublié et jamais activé face au Sars-CoV-2.
Oubliée aussi l’une des grandes leçons du sida : on ne lutte pas efficacement contre une épidémie sans la participation active du plus grand nombre —associations, collectifs locaux, citoyens, sans miser sur la confiance mutuelle et la solidarité. Selon le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, créée sous l’égide des Nations unies, les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité accroissent aussi le risque de pandémies. L’expansion et l’intensification de l’agriculture, le commerce mondial, le pillage des ressources naturelles augmentent en effet les contacts entre la faune, le bétail, les agents pathogènes et les humains. La seule façon d’éviter ces pandémies serait de changer radicalement le modèle dominant de société. Une indispensable course de fond qui ne dispense pas d’être prêt à parer à une prochaine attaque virale, en sachant cette fois retenir les leçons du Sars-CoV-2.
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